Avortement«C'est un sujet tabou dans tout le Luxembourg»
LUXEMBOURG - Alors que les députés doivent voter ce jeudi après-midi la réforme de l'IVG, «L'essentiel» a recueilli le témoignage d'Émilie*, jeune luxembourgeoise.

Son avortement était tabou. Dans sa famille, interdiction d'en parler.
«En fait, mon avortement était une réduction médicale, parce que j'avais une grossesse multiple. Tous les enfants n'auraient pas été viables, et ma vie aurait été en jeu si je ne m'étais pas séparée de l'un d'eux». Tout s'est bien passé, mais Émilie regrette le manque de suivi après l'intervention. «Comme je n'avais pas mal, on m'a dit que je pouvais rentrer chez moi. Par la suite, on ne m'a jamais demandé si j'allais bien ou proposé de suivi psychologique», dit Émilie. La jeune femme a eu plusieurs rendez-vous avec son gynécologue, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) a été pratiquée par ce dernier et un autre médecin.
«Le travail était très minutieux, car il fallait extraire l'un des trois embryons sans nuire aux autres», se rappelle Émilie. «Ils ont attendu jusqu'à la limite légale pour que les embryons soient assez grands. Pas le choix, pour des raisons éthiques. C'est celui qui était le plus accessible qui a été enlevé. Par la paroi abdominale, ils ont injecté un produit qui a fait s'arrêter de battre le cœur de l'embryon. Jamais je n'ai entendu parler d'une possibilité pour que tous viennent au monde. Parfois, quand je regarde mes enfants, je me demande comment ce serait si l'autre était là aussi».
Elle en rêve la nuit
Son avortement était tabou. Dans sa famille, interdiction d'en parler. Et son mari n'était pas très réceptif. «Comme l'IVG s'était bien passée, pour lui l'histoire était close. J'ai dû régler le problème toute seule. Ce qui me dérange, mais que je comprends à la fois, c'est que, d'un point de vue médical, un embryon n'est pas encore un bébé. Pour une mère par contre, si», regrette finalement Émilie.
«Au début, je n'ai pas réalisé le problème que ça me posait, j'étais enceinte, il fallait organiser plein de choses. Ce n'est que lorsque j'ai commencé à en rêver que je me suis posé des questions». Depuis, Émilie en a parlé avec d'autres personnes dans son entourage et a réalisé que beaucoup ont eu recours à une IVG à un moment de leur vie, ou connaissent quelqu'un dans leur famille qui est passé par là. «J'ai réalisé que c'est un sujet tabou dans tout le Luxembourg», termine-t-elle.
*Le prénom a été changé
Chloé Murat