Parcours étonnant – Dentiste au Luxembourg après avoir fui la Syrie

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Parcours étonnantDentiste au Luxembourg après avoir fui la Syrie

LUXEMBOURG – Un Syrien de 31 ans, enrôlé dans l’armée, a dû quitter son pays en 2015. Il est désormais assistant-dentiste au Limpertsberg.

«Dès mon premier jour, j’ai pensé à fuir». Le moins que l’on puisse dire est qu’Hassan Job, jeune homme élégant de 31 ans, à la fine barbe, ne garde pas un souvenir impérissable de son passage dans l’armée syrienne. Enrôlé contre son gré en octobre 2014, le dentiste de formation a servi comme médecin pour les hommes de Bachar el-Assad, avant de fuir. Son périple l’a amené jusqu’au Limpertsberg, où il exerce la fonction d’assistant-dentiste, comme il le raconte à L'essentiel.

Le conflit dans son pays l’a rattrapé dès 2012, lorsque des combats de rue et les avions de chasse ont fait rage dans sa ville de Daraya, une banlieue de Damas. Hassan, qui était déjà dentiste dans son propre cabinet, ne pouvait plus travailler normalement. L’horreur est montée d’un cran lorsqu’il a été contraint de rejoindre l’armée syrienne, qui recherchait de jeunes hommes. Après une formation de quatre mois où il explique être surtout resté cloîtré dans un bâtiment à portée de tir des rebelles, il a rejoint un front à Homs en février 2015, l’une des villes martyres du pays. «J’avais très peur tous les jours», témoigne-t-il, encore ému par cet épisode.

«Je suis dentiste, pas médecin!»

À ce moment, les hommes d’Assad avaient besoin de médecins. Sur le millier d’hommes engagés sur ce front, celui qui avait le grade d'officier devait en ausculter «20 ou 25 chaque jour». «J’étais prêt à soigner tout le monde, quel que soit le camp politique. Le problème est que je suis dentiste, pas médecin! Je recherchais sans arrêt des éléments sur Google pour savoir comment faire!» Face à lui, des hommes «qui parfois devenaient fou», à cause des traumatismes de la guerre.

La fuite s’est concrétisée trois mois plus tard grâce à des rebelles stationnés quelques hectomètres plus loin, via différentes personnes de contact. En échange d'informations plus ou moins sensibles, il a pu être amené en Turquie, après un long périple pendant lequel il devait à tout prix cacher son appartenance à l’armée de Bachar el-Assad. Le désormais ex-membre de l'armée a travaillé dans un hôpital de Bursa avant de rejoindre le Luxembourg, où étaient déjà installées des connaissances.

Considéré comme déserteur

Hassan a été accueilli dans le centre pour demandeurs d’asile à Bourscheid en octobre 2015. Après une procédure de six mois, il a obtenu le statut de réfugié. Le dentiste se dit «très heureux de sa nouvelle vie au Luxembourg», sa maîtrise de l’allemand ayant facilité son intégration. Mais il est engagé dans une procédure compliquée pour faire reconnaître son diplôme syrien. Le Luxembourg n’a pas d’université équivalente qui lui délivrerait le sésame et son statut ne lui permet pas de faire la demande à l’étranger. En attendant, il ne peut qu’être assistant pour un autre dentiste. «Je voudrais tout simplement pouvoir exercer mon métier», martèle-t-il.

Aujourd’hui, Hassan communique de temps en temps avec sa famille restée en Syrie. Mais il ne peut y retourner car le pouvoir le considère comme un déserteur. Le jeune homme «regrette parfois» sa participation active aux mouvements citoyens de 2011, qui ont provoqué une riposte du pouvoir puis une guerre civile. «Tout ce que nous voulions, c’était davantage de démocratie. Nous n’avions aucune revendication religieuse, explique celui qui se dit non-croyant. Mais la situation a totalement dégénéré».

(Joseph Gaulier/L'essentiel)

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