Télétravail«Depuis quand la loi française s'applique au Luxembourg?»
LUXEMBOURG/PARIS – Les entreprises luxembourgeoises sont-elles obligées de communiquer à la France le nombre de jours télétravaillés par leurs salariés? Non pour certains patrons, qui refusent de le faire au nom de la souveraineté, et une question embarrassante pour les autorités.
- par
- Thomas Holzer

Limité par la fiscalité et la sécurité sociale, le télétravail des frontaliers est devenu un enjeu majeur.
La question du télétravail des frontaliers français rebondit sur le terrain des entreprises luxembourgeoises via la fiscalité. Tout est parti d'une communication de l'UEL (Union des entreprises luxembourgeoises) au début du mois de février invitant les entreprises à «remplir leurs obligations déclarative en France», concernant les salariés français qui auraient dépassé le seuil de tolérance fiscale pour les jours de télétravail (29 jours, bientôt 34).
Un message qui a interpellé plusieurs patrons luxembourgeois, dont l'un des plus éminents d'entre eux, Nicolas Henckes, ex-membre du comité exécutif… de l'UEL. «Depuis quand la loi française s'applique-t-elle sur le territoire luxembourgeois, Etat souverain?», s'est-il interrogé. Joint par L'essentiel, celui qui dirige actuellement la société Hospilux évoque une différence fondamentale de point de vue sur la mission des employeurs luxembourgeois.
Une manne pour les fiscalistes?
D'un côté, ceux qui jugent indispensable de communiquer avec les autorités fiscales voisines, de l'autre ceux qui réfutent l'obligation d'assurer cette «charge administrative». «C'est un débat juriste contre fiscaliste. Qui plus est, je ne vois pas pourquoi les entreprises effectueraient une sorte de délation au fisc français en leur fournissant des informations sur leurs salariés», explique l'entrepreneur, qui soupçonne, par ailleurs, certains fiscalistes de profiter de cet imbroglio pour «vendre du conseil aux entreprises».

Nicolas Henckes a été directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce (CLC).
Ironie de l'histoire, cette opposition émerge alors même que la France vient de simplifier la procédure administrative de déclaration des jours de télétravail excédentaires. Depuis 1er janvier, l'employeur luxembourgeois n'a plus à prélever l'impôt pour la France, ni à déclarer mensuellement le nombre de jours télétravaillés par les salariés concernés. «Tout repose sur une déclaration annuelle et l'acquittement se fait par le salarié par un mécanisme de prélèvement à la source sur son compte bancaire», explique l'UEL à L'essentiel. D'où cette communication adressée aux entreprises en ce début d'année.
Interrogé sur «l'obligation» qui sème la discorde, l'organisation patronale «comprend que cela puisse paraître surprenant» mais insiste sur «le lien de rattachement» qui unit les employeurs luxembourgeois et les autorités fiscales françaises, via le salariat des résidents français. Elle évoque même «un risque de pénalité pour l'entreprise et le salarié» si les formalités respectives n'étaient pas effectuées. D'après l'UEL, aucune entreprise n'a jusqu'alors fait part d'une menace de sanction de Bercy.
«Cela tient exclusivement à la législation française»
Quand bien même, Nicolas Henckes refuse «très clairement» d'effectuer cette déclaration aux autorités françaises. À moins que la convention signée entre le Luxembourg et la France ne le contraigne? «C'est toute la question. Existe-t-il un avenant? J'ai notifié mon interrogation au ministère des Finances sur Twitter, mais je n'ai toujours pas de réponse», glisse-t-il.
Également contacté par L'essentiel, le ministère estime que ce sujet «tient exclusivement de la législation française» renvoyant à la France la charge de «clarifier l'interprétation de leur législation en matière fiscale et les retombées sur les employeurs». De quoi entretenir encore un peu plus le flou sur le télétravail des frontaliers français…