Prix de littérature«Des problèmes non résolus depuis trente ans»
LUXEMBOURG - Lauréat du Prix littéraire Servais 2015, qu'il recevra ce mercredi soir, Roland Meyer a un regard aiguisé sur le Luxembourg et la politique nationale.

L'essentiel: Après le Lëtzebuerger Buchpräis en 2012, vous remportez cette fois le Prix Servais avec le roman d'actualité «Roughmix», que représente ce prix pour vous?
Roland Meyer: Le Prix Servais est décerné par un jury indépendant, avec une haute qualité littéraire, il représente donc beaucoup pour moi. C'est la reconnaissance et l'appréciation du travail accompli.
Dans Roughmix, certaines figurent s'évadent dans l'imaginaire pour fuir leur vie luxembourgeoise. Visez-vous quelqu'un, une tranche d'âge en particulier?
C'est en fait un problème qui touchent tous ceux qui ne sont pas satisfaits d'eux-mêmes, de leur environnement, et veulent du changement. Une fantaisie que l'on peut se permettre dans la fleur de l'âge, quand on a une situation aisée. Et au Luxembourg aussi, bien sûr, sans pointer personne du doigt.
Publier un roman en langue luxembourgeoise, seulement parlée par 400 000 personnes, a-t-il encore un intérêt?
Celui qui veut écrire en luxembourgeois ne pourra pas en vivre, c'est certain. Un auteur touche deux euros par livre vendu, et on parle ici d'un «best-seller» dès que l'on a écoulé 500 exemplaires. Faites le compte. Ainsi les livres considérés comme importants pour la société luxembourgeoise doivent être traduits en anglais, français, portugais et même en allemand. Tout cela a un coût, mais comment faire autrement?
En raison de sa proximité avec l'allemand, la langue luxembourgeoise n'est pas considérée comme distincte, en dépit de son usage. Partagez-vous ce point de vue?
Les définitions linguistiques m'importent peu. Pour moi, le luxembourgeois est une langue dans laquelle je peux exprimer des choses que je ne peux pas exprimer dans d'autres langues. Par conséquent, je l'utilise pour écriture.
À l'occasion du référendum, une majorité d'électeurs s'est prononcée contre l'ouverture du droit de vote aux étrangers. Quel est votre regard sur la question?
Ce choix a probablement moins à voir avec les étrangers qu'avec les hommes politiques qui ne font pas leur travail. On sait par exemple que chaque jour, chaque matin et chaque soir, un somptueux chaos envahit nos routes. Depuis 30 ans, comment peut-on encore pointer du doigt les frontaliers quand c'est notre politique nationale qui n'a pas fait ce qu'il faut pour améliorer ça? De la même manière, l'immobilier est trop cher au Luxembourg, mais comment peut-on encore blâmer les résidents étrangers quand la politique tarde à mettre en place une politique de logements abordables? Et on peut aussi parler des problèmes de langue dans nos écoles, depuis plus de trente ans là encore. Si le gouvernement luxembourgeois avait résolu tout cela, alors le référendum aurait sans doute livré un résultat différent.
(Sophia Schülke/L'essentiel)
«Roughmix»
Paru en langue luxembourgeoise aux éditions Op der Lay à Esch-sur-Sûre. «Roughmix» est un roman d’actualité, haletant et divertissant, dont la tonalité désinvolte et la forme délibérément décousue sauront surprendre le lecteur. Plusieurs narrateurs, dépeints dans toutes les facettes de leurs personnalités décalées, se livrent, sans concessions, à des rétrospections sur leur vie au Luxembourg et sur leurs rêves de fuite vers d’autres destinations, qui se révèlent comme autant d’échappatoires stéréotypées et illusoires.