Idée au Mexique – Echange vélo flambant neuf contre arme à feu

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Idée au MexiqueÉchange vélo flambant neuf contre arme à feu

Échanger sa carabine pour une tablette électronique ou un peu d'argent en espèce, un troc pacifique a été organisé pour contribuer à désarmer un quartier dangereux du sud de Mexico.

Devant le parvis de l'église du Seigneur de la Cuevita, quelque 60 personnes, fusil ou révolver en main, forment patiemment une file devant un poste d'accueil où policiers et militaires reçoivent les vendeurs anonymes. «J'ai apporté un révolver Smith 32, orné d'ivoire, un objet de collection... Il appartenait à mon arrière-grand-père, qui était révolutionnaire», dit Francisco Aro, 53 ans. Il va obtenir une bicyclette en échange. «Maintenant, au moins, je vais faire de l'exercice», dit-il en souriant.

La municipalité met en œuvre son programme «Pour ta famille, désarmement volontaire», organisé toute la dernière semaine de l'année. «Pour chaque jour que dure le programme, les organismes de sécurité de Mexico et la municipalité d'Iztapalapa dépensent 300 000 pesos (17 500 euros) par jour», confie une source municipale. L'église de style colonial qui a mis ses installations à disposition de l'opération, abrite notamment Notre-Dame des Balles, vénérée par les policiers et les militaires en quête de protection divine.

«Regardez l'état des armes…»

Le programme se heurte toutefois au scepticisme de ceux qui ne croient pas que ce programme permettra de désarmer les véritables criminels, en dépit des quelques centaines d'armes récupérées en quelques jours. «Les malfaiteurs ont en général plusieurs armes. Ils peuvent se débarrasser de celles qui ne leur servent pas ou qui ne leur plaisent pas et conserver la bonne», selon Augusto Martinez, 79 ans, qui a remis un révolver Colt 80 «pour une bicyclette, 800 pesos (50 euros) et un carton d'aliments».

Parmi les sceptiques figurent aussi certains membres de l'encadrement militaire, chargés de recueillir, cataloguer puis détruire les armes. «Regardez l'état des armes… La plupart ne peuvent plus servir ou sont très vieilles. Ceux qui les apportent sont des pères de famille qui les tiennent de leurs aïeuls et s'en débarrassent pour la sécurité de leurs proches», dit un commandant.

Carabines, grenades et autres armes…

Le Mexique subit en partie les conséquences de la législation américaine sur les armes, qui fait de nouveau l'objet d'une vaste discussion aux États-Unis, après le drame de Newton. Avec une frontière de plus de 3 000 kilomètres avec les États-Unis, ce pays reçoit en permanence un flux illégal d'armes en provenance du voisin du nord. Ces armes sont utilisées par les groupes du crime organisé et les trafiquants de drogue. Selon un rapport du Sénat américain publié l'an dernier, entre 2009 et 2010, 70% des quelque 30.000 armes saisies au Mexique entre 2010 et 2011 venaient des États-Unis.

Jesus Velencia, conseiller municipal d'Iztapalapa souligne cependant que le programme vise aussi à éviter les morts par balles perdues. Le mois dernier, dans ce quartier, un enfant de dix ans est mort d'une balle dans la tête tirée de l'extérieur alors qu'il était au cinéma. Le 13 décembre une femme est morte d'une balle perdue alors qu'elle faisait ses courses au marché. L'initiative d'Iztapalapa, qui devrait s'étendre à d'autres quartiers de Mexico, a permis de recueillir carabines, grenades et même d'autres types d'armes, parfois difficiles à identifier.

«Je ne vais plus pouvoir jouer aux narcos»

«C'est un missile», assure quelqu'un montrant un engin qui ressemble à un shaker de cocktail. «Non, c'est un lance-missile», assure un autre. Juan Carlos Izarraga, le jeune commerçant qui apporte l'étrange objet, assure qu'on «l'utilisait comme serre-livres», tandis qu'il le remet à un policier visiblement déconcerté. Ce dernier le regarde sous tous les angles, mais ne parvient pas à le classer. «Ça doit bien servir à quelque chose», conclut le policier. Il n'y pas que les adultes qui viennent remettre leurs armes. Des enfant aussi viennent apporter leurs jouets belliqueux pour d'autres plus pacifiques.

Vêtu en «Spider-Man» (l'Homme araignée), Suriel Guadalupe, 4 ans, sort deux pistolet de plastique de son pantalon, les pose sur la table et va cherche un ballon de basket-ball. Mais tous n'y vont pas de bon cœur. Tadeo, 11 ans, un peu poussé par sa mère, a échangé ses quatre pistolets contre un ballon, un jeu de société et une poupée «Barbie» pour sa sœur. «Je ne vais plus pouvoir jouer aux narcos», se plaint-il.

(L'essentiel Online/AFP)

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