Dans le monde du sport – «Il me disait que c'était quelque chose entre nous»

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Dans le monde du sport«Il me disait que c'était quelque chose entre nous»

Dans une enquête choc sur les agressions sexuelles, «L’Équipe» livre le témoignage glaçant de plusieurs sportives racontant ce qu'elles ont subi durant plusieurs années.

Les hommes mis en cause sont des figures du patinage artistique, tous champions de France.

Les hommes mis en cause sont des figures du patinage artistique, tous champions de France.

C'est une enquête choc que L’Équipe publie dans son édition de ce mercredi. Plus de trente ans après les faits, aujourd'hui prescrits, plusieurs patineuses et nageuses de premier plan brisent la loi du silence. Elles dénoncent une omerta sordide qui a caché des comportements inacceptables et l'ignominie de leurs entraîneurs.

Dans ce lourd dossier, les victimes accusent nommément d'anciens coaches d'agressions sexuelles et de viols lorsqu'elles étaient mineures, dénonçant l'emprise des adultes et le silence complice des Fédérations. Tout comme la peur des représailles.

«J'étais très admirative»

Dans un témoignage glaçant, Hélène Godard, brillante espoir du patinage français à la fin des années 70, explique comment son entraîneur de l'époque, Gilles Beyer, aurait abusé d'elle à deux reprises alors qu'elle n'était âgée que de 14 ans. Comment celui-ci, par exemple, se serait invité dans sa chambre. «J'étais très admirative, se souvient-elle. Sauf que lui était adulte et consentant. Moi, j'étais mineure».

Un autre entraîneur a profité de l'omerta pour profiter d'elle à son domicile. «Il me disait que c'était quelque chose entre nous, qu'on partageait quelque chose de fort, qu'il ne fallait surtout pas le dire sinon ça gâcherait mon entraînement».

«Il se disait amoureux de moi»

Les différents témoignages recueillis par nos confrères racontent des jeunesses volées, des destins brisés, des blessures à vie. Évoquant la relation toxique qui la liait avec un autre entraîneur, Anne Bruneteaux n'a rien oublié non plus des actes subis. «J'avais l'interdiction de fermer la porte de la salle de bains. Il a commencé à s'inviter dans la baignoire et à me demander de le laver. J'ai su après que c'était de la masturbation». À une autre occasion, à la patinoire d'Asnières, son agresseur, ivre, l'aurait enfermée dans l'infirmerie et essayé de la violer. Après s'être débattue, l'adolescente de 15 ans avait réussi à fuir par une issue de secours. «Je me suis retrouvée sur le parking de la patinoire, j'avais la jupe et le collant déchirés».

Ce même Michel Lotz allait aussi héberger Béatrice Dumur, une autre patineuse. Celle-ci décrit les «viols» subis pendant près de quatre ans, entre 1985 et 1989. «Il se disait amoureux de moi. Mais comment peut-on aimer une jeune fille de 13 ans?». Aujourd'hui âgée de 48 ans, elle explique se rendre compte qu'elle est une victime et espère que son témoignage «pourra encourager d'autres sportives à parler et aller en justice». Les hommes mis en cause sont des figures du patinage artistique, tous champions de France.

«Il enlevait sa serviette, il était en érection»

«Notre enquête, menée auprès d'une quarantaine d'anciens athlètes, parents, entraîneurs et dirigeants, montre l'étendue du problème de violences sexuelles qui a existé au plus haut niveau du patinage français», écrit L’Équipe, qui dénonce par ailleurs «l'inaction de la Fédération française des sports de glace.» Contactés, tous les entraîneurs dont le journal dénonce le comportement nient les faits. Ou refusent d'évoquer le sujet et raccrochent aussitôt. Sollicité pour savoir s'il avait déjà lancé une enquête disciplinaire au sujet des coaches visés par ces accusations, Didier Gailhaguet, le très contesté président de la Fédération, n'a répondu à aucun appel.

Le quotidien sportif donne aussi la parole à plusieurs nageuses, toutes victimes du comportement abject d'un ancien entraîneur (NDLR: Christophe Millet), lequel avait pour habitude de faire venir ses jeunes athlètes dans un sauna. Béatrice décrit ainsi l'enfer qu'elle a vécu à Font-Romeu. «Il enlevait sa serviette, il était en érection. «Tu as déjà vu un homme nu?, demandait-il. Tu n'es pas une mijaurée». Pour attirer ses victimes, l'accusé invoquait un massage sportif. «On s'allonge alors sur le ventre, raconte l'une d'elles. Il nous entoure avec ses jambes puis commence à nous masser les jambes puis les adducteurs, puis le sexe». Plusieurs d'entre elles ont porté plainte. Il sera finalement condamné à six mois de prison avec sursis pour attentat à la pudeur sans inscription à son casier judiciaire. Il a pu continuer ses activités et est aujourd'hui référent sport-étude dans un lycée de Canet-en-Roussillon.

Quand des filles réussissaient à éviter le sauna, elles en payaient aussitôt les conséquences: «Le plus difficile, avoue une de ces nageuses, c'est qu'il nous humiliait devant les garçons: "Tu es une dinde, la grosse, va mettre un K-Way et va courir." Les garçons étaient valorisés, et nous diminuées».

L’Équipe publie également le témoignage d'Isabelle Demongeot, ancienne tenniswoman qui accuse l'entraîneur Régis de Camaret de l'avoir violée. «Quand est-ce qu'on va tendre la main à toutes ces victimes?, interroge-t-elle. Est-ce qu'aujourd'hui un homme politique serait prêt à prendre ce sujet en main? Madame Macron ne pourrait-elle pas s'en saisir?».

(L'essentiel/Sport-Center)

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