Samuel Paty – «Il n'y a eu aucune réaction quand j'ai fait mon cours!»

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Samuel Paty«Il n'y a eu aucune réaction quand j'ai fait mon cours!»

«Le Monde» et «BFM TV» ont eu accès aux échanges entre l’enseignant français, ses collègues et sa hiérarchie dans les jours qui ont précédé son assassinat.

Le 16 octobre dernier, un enseignant d'histoire-géo a été décapité près de son école, pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves.

Le 16 octobre dernier, un enseignant d'histoire-géo a été décapité près de son école, pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves.

AFP/Frederick Florin

Le 16 octobre dernier, un enseignant français était décapité près de son école pour avoir montré des caricatures de Mahomet, à ses élèves. Un mois après cet attentat terroriste, on en sait plus sur l’ambiance qui régnait au sein de l’établissement dans les jours qui ont précédé l’assassinat de Samuel Paty.

Le Monde et BFM TV ont en effet eu accès à des e-mails échangés entre le professeur, ses collègues et sa hiérarchie, à la suite de son cours controversé.

Le lundi 5 octobre, dans une salle de classe de Conflans-Sainte-Honorine (région parisienne). Prof d’histoire-géo, Samuel Paty montre des caricature de Mahomet à ses élèves. Dans un mail rédigé cinq jours plus tard, Samuel Paty s’explique auprès de sa collègue et de ses supérieurs: «J’entame un travail de réflexion où je montre une caricature «trash» pendant quelques secondes. Je propose aux élèves qui auraient peur d’être choqués de ne pas la regarder (et pas seulement aux élèves musulmans) ou de sortir quand une auxiliaire de vie scolaire est présente», écrit l’enseignant.

Dans ce mail, Samuel Paty ajoute avoir «déconstruit les arguments islamistes», rappelant à ses élèves que la France étant un pays laïque, il n’y a pas de blasphème.

«Cela devient une rumeur malfaisante…»

Dans son e-mail, il évoque également la réaction outrée d’une mère, qui a crié à la discrimination et tout raconté au père d’une élève, «qui semble d’opinion radicale». «Le lendemain, Z. était absente toute la journée. Elle a apparemment raconté n’importe quoi à son père sur le cours sans y avoir assisté. Depuis le père a posté une vidéo fake sur Internet (…) Cela devient une rumeur malfaisante… Il n’y a eu aucune réaction dans la classe quand j’ai fait mon cours!» explique-t-il.

Dans ces échanges de courriels, la directrice du collège fait part de son soutien à Samuel Paty, qui se dit «menacé par des islamistes locaux». Elle explique à l’enseignant «qu’un individu a menacé de faire venir des musulmans devant le collège et d’alerter la presse». La directrice appelle à la solidarité au sein du corps enseignant et ajoute que la direction des services départementaux de l’Éducation nationale a été alertée, et qu’un inspecteur a été envoyé sur place.

De son côté, Samuel Paty reconnaît avoir été «maladroit» lors de ce cours. «Il y a un implicite qui pourrait froisser les musulmans (…) J’aurais dû dépasser ces arguties juridiques et éviter de faire une erreur humaine», écrit-il. L’enseignant précise qu’il a décidé de «retirer cette séquence» de son programme pour les prochaines années.

Parmi les collègues du prof d’histoire-géo, les réactions sont partagées. Dans un mail envoyé le 12 octobre, une enseignante assure son collègue de son soutien: «On fait tous des erreurs, même si je pense que ça n’en est pas une de défendre nos libertés».

Une autre membre du corps enseignant partage quant à elle son malaise. «Je refuse de me rendre complice par mon silence d’une situation dans laquelle je me retrouve plongée malgré moi», répond-elle. De son côté, Samuel Paty annonce à ses collègues que deux plaintes seront déposées contre le père de Z., l’une par lui-même, l’autre par l’école. L’individu a, depuis, été mis en examen pour «complicité d’assassinat terroriste». L’enquête a en effet démontré que l’assaillant s’était «directement inspiré» de ses messages pour passer à l’acte.

(L'essentiel/joc)

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