Amazonie en 2019 – Ils ont rasé l'équivalent de trois fois le Luxembourg

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Amazonie en 2019Ils ont rasé l'équivalent de trois fois le Luxembourg

Rien qu'en 2019, plus de 6 400 km² de forêts ont été rasés en Amazonie. Ceux qui se sont installés là dans les années 1970, comme une terre promise, en sont conscients.

Maria Helena Locatelli, Brésilienne de 71 ans, a pris part en 1972 à l'une des premières vagues de pionniers qui se sont installés le long de l'autoroute transamazonienne.

Maria Helena Locatelli, Brésilienne de 71 ans, a pris part en 1972 à l'une des premières vagues de pionniers qui se sont installés le long de l'autoroute transamazonienne.

AFP

Il y a 47 ans, Maria Helena Locatelli a tout quitté en quête de la terre promise, un titre de propriété en pleine forêt amazonienne en poche, mais elle n'y a trouvé que la misère. Cette Brésilienne de 71 ans a pris part en 1972 à l'une des premières vagues de pionniers qui se sont installés le long de l'autoroute transamazonienne. Ce chantier pharaonique a été entrepris dans les années 70 sous la dictature militaire, pour peupler une région considérée comme vulnérable en cas d'invasion étrangère.

Sous le slogan: «Des terres sans hommes pour des hommes sans terre», le gouvernement a promis à des paysans pauvres de tout le pays une centaine d'hectares et une maison s'ils acceptaient d'aller vivre en Amazonie. Maria Helena, originaire du Rio Grande do Sul, à l'extrême sud du pays, a cru le régime sur parole en entendant un message à la radio. Mais elle a vite déchanté en arrivant. «Ce n'était pas vrai, c'était un grand mensonge. Quand on est arrivés, il n'y avait rien», raconte-t-elle.

«Beaucoup de gens sont morts»

À 25 ans, enceinte de jumeaux, elle a parcouru plusieurs milliers de kilomètres avec son mari Orlando pour s'installer dans l’État du Para (nord). Malgré la précarité des conditions de vie à leur arrivée, pas question de revenir en arrière: ils avaient déjà vendu leur maison dans le sud du Brésil et n'avaient plus les moyens d'y revenir. Pendant plusieurs mois, ils ont dormi à même le sol, sur la terre, dans un cabanon partagé avec d'autres nouveaux arrivants venus des quatre coins du pays.

Sa famille a fini par recevoir un lot de forêt vierge près de Ruropolis, à trois heures de voiture de Santarem, où elle vit actuellement. Le gouvernement leur avait promis une maison meublée, mais ils n'en ont pas vu la couleur. Sur place, pas d'eau courante. Ils ont bien tenté d'élever du bétail, mais les conditions ne s'y prêtaient pas. «C'était la misère», résume-t-elle. «Nous avons beaucoup souffert. Beaucoup de gens sont morts», insiste-t-elle, évoquant notamment de terribles épidémies de paludisme.

«Je n'allais pas nous laisser mourir de faim»

Son mari a finalement trouvé un gagne-pain: il a investi dans l'achat d'une tronçonneuse pour couper des arbres dans leur lot et a commencé à se faire payer pour déboiser les parcelles voisines. C'était le début de la déforestation en Amazonie, qui s'est accélérée lors des décennies suivantes, avec une expansion agricole effrénée, la jungle laissant place à des pâturages ou des champs de soja à perte de vue. Mais quelques mois plus tard, Orlando s'est grièvement blessé lors de la chute d'un arbre qui a tué l'un de ses collègues. Maria Helena s'est donc retrouvée avec la famille à charge.

Même si elle n'avait fait que quelques années d'école primaire, elle s'est inscrite à une formation pour devenir institutrice et a commencé à enseigner dans un établissement au bord de l'autoroute. Malgré les difficultés, Maria Helena refuse de s'apitoyer sur son sort car elle sait bien que d'autres ont encore plus souffert. «Ce n'était pas facile, mais j'ai dû faire face. Je n'allais pas nous laisser mourir de faim», raconte-t-elle. Même si elle est consciente d'avoir pris part à la déforestation, cela ne l'empêche pas d'être concernée par la propagation des foyers d'incendie qui ont dévasté des régions d'Amazonie cette année.

La déforestation de la plus grande forêt tropicale au monde a presque doublé lors des huit premiers mois de l'année 2019 par rapport à la même période de 2018, pour atteindre 6 404 kilomètres carrés, presque trois fois la superficie du Luxembourg.

(L'essentiel/afp)

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