Théorie du complot au CanadaIls sont persuadés que les incendies ont été déclenchés par des «écoterroristes»
Attisée par une saison des feux historique au Canada, une théorie du complot prend de l'ampleur en ligne, alléguant que les brasiers auraient été allumés intentionnellement par des écologistes.

Le feu a déjà ravagé plus de 3 millions d'hectares.
«Je gage qu'une bonne partie des feux de forêt ont été allumés par des terroristes verts pour donner un coup de pouce à leur campagne à leur campagne de changements climatiques», a ainsi déclaré le populiste Maxime Bernier, ancien ministre canadien des Affaires étrangères devenu chef d'un parti d'extrême droite, dans un tweet daté du 5 juin.
Même son de cloche sur le réseau social TikTok où une vidéo visionnée près de 20 000 fois soutient que les incendies en Nouvelle-Écosse, dans l'est canadien, ont été déclenchés «volontairement pour promouvoir un programme de lutte contre le changement climatique».
Un article en ligne avance même que 90% des brasiers de l'ouest du pays, ravagé par des feux depuis début mai, sont «d'origine humaine» et allumés par des «écoterroristes». Au Québec, certains se demandent comment tous les feux ont pu se déclarer en même temps, suggérant dans une vidéo visionnée des centaines de milliers de fois sur Facebook, qu'un «attentat terroriste» en serait à l'origine. Mais aucun élément ne permet de soutenir ces théories.
Le Canada connaît actuellement les incendies les plus importants de son histoire à ce stade de la saison, avec plus de trois millions d'hectares brûlés et des dizaines de milliers de personnes évacuées. «Beaucoup sont d'origine humaine, mais il s'agit presque toujours d'accidents», explique Karine Pelletier de la Société québécoise de protection des forêts contre le feu (Sopfeu), précisant que de récents éclairs sont à l'origine de nombreux incendies dans la province francophone mais que l'origine des autres reste à être déterminée.
Incendie d'origine humaine
De son côté, l'agence en charge des incendies en Alberta note qu'un feu est toujours considéré comme d'origine humaine à moins que la foudre ne soit impliquée. Mais cela ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit d'un incendie criminel, note la porte-parole d'Alberta Wildfire, Melissa Story. «Il peut s'agir de causes diverses, telles que l'agriculture, l'industrie forestière, les lignes à haute tension, l'industrie pétrolière et gazière, les chemins de fer ou les incendies résidentiels», précise-t-elle à l'AFP.
«Les incendies d'origine humaine peuvent être accidentels, intentionnels ou indéterminés», pointe Heather Fairbairn, de l'agence de Nouvelle-Écosse, où la cause des feux reste à éclaircir. Mais «il est certain que nous constatons les effets du changement climatique, qui augmentent les risques d'incendie», souligne-t-elle.
Déjà en Australie en 2020
Ce n'est pas la première fois que les conspirationnistes se basent sur des saisons des feux dévastatrices pour porter ces accusations. Pendant «l'été noir» de 2020 en Australie, des internautes s’étaient ainsi basés, à tort, sur des statistiques provenant d'incendies criminels d'une année antérieure pour justifier les feux de brousse. L'année suivante, en Californie, des pyromanes étaient bel et bien à l'origine de plusieurs incendies de forêt, mais rien n'a pu prouvé qu'ils défendaient la cause climatique, comme l'ont prétendu certains internautes.
Pour Chris Russill de l'université de Carleton, la théorie de l'écoterrorisme s'est inspirée d'éléments factuels, mais «son importance ou sa signification ont ensuite été exagérés». C'est le cas au Canada, où des internautes se basent sur des rapports officiels traitant d'incendies suspects pour fonder leurs théories portant sur des événements et des lieux sans rapport entre eux.
Tensions entre gouvernement fédéral et provinces
En outre, certains soutiennent que le gouvernement canadien déclencherait intentionnellement des feux de forêt pour promouvoir ses politiques en matière de lutte climatique ou forcer les citoyens à se réfugier dans les villes où il sera plus facile d'imposer des «confinements climatiques». Avec l'accord de Paris sur le climat et la politique climatique du gouvernement de Justin Trudeau (plafond d’émissions, taxe carbone, etc.), les partisans des énergies fossiles - une industrie importante du pays - sont sur la défensive.
«Cet argument n'est pas toujours lié à une crainte globale d'élites onusiennes obscures ou de justiciers écologistes», tempère-t-il. «Il met plutôt l'accent sur les relations avec le gouvernement fédéral et les provinces qui seraient devenues plus pressantes et plus musclées», poussant de plus en plus de personnes vers les théories du complot.