A l'université de Strasbourg – L'UE se forme contre le crime financier organisé

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À l'université de StrasbourgL'UE se forme contre le crime financier organisé

Une procureur roumaine et une fonctionnaire luxembourgeoise épluchent, côte à côte, un épais dossier d'enquête: durant trois semaines, des enquêteurs se sont formés à la criminalité financière.

Europol estime que pas moins de 3 600 groupes criminels sont actifs en Europe.

Europol estime que pas moins de 3 600 groupes criminels sont actifs en Europe.

AFP

Réunis au sein du CEIFAC (Collège européen des investigations financières et d'analyse criminelle), 25 policiers, magistrats et fonctionnaires des ministères des Finances, issus de 18 pays de l'UE, achèvent cette semaine la première session de cette formation unique en son genre. Pour Cadia Hardy, 32 ans, assistante financière au Luxembourg, plancher aux côtés de policiers grec, hongrois et irlandais permet de voir «comment travaillent les autres». «On apprend à réagir rapidement, à aller directement à l'essentiel», se réjouit-elle. Son homologue grec, Efstathios Tsirmpas, 45 ans, explique être venu parce que «l'évasion fiscale est une priorité de [son] gouvernement». «Nous ne voulons pas perdre plus d'argent à cause de ce problème», poursuit cet expert au ministère grec des Finances.

Europol estime que pas moins de 3 600 groupes criminels sont actifs en Europe, dont plus des deux tiers sont composés de membres de plusieurs nationalités. Le champ d'intervention est vaste puisqu'il va des abus de biens sociaux au blanchiment d'argent en passant par la corruption, le travail clandestin, les trafics de drogue, la contrefaçon, mais aussi la fraude aux subsides européens, aux droits d'émission carbone, ou aux déchets illicites. Plusieurs États européens dont la France et la Grèce ont récemment renforcé leur arsenal juridique pour lutter contre la délinquance financière. «Le danger pour la démocratie est aujourd'hui bien réel», affirme la directrice de ce collège, Chantal Cutajar, professeur de droit à l'Université de Strasbourg et experte auprès de la Commission européenne.

Une enquête inspirée de faits réels

«Nous avons des entreprises qui infiltrent l'économie et achètent la décision publique. Ces organisations économiques ont même réussi à transcender les barrières de la langue», explique-t-elle. Durant trois semaines, les stagiaires suivent un «cas fil rouge», qui part d'un banal contrôle de véhicule à Kehl, à la frontière franco-allemande, dans lequel les policiers découvrent des factures suspectes. Au fil de l'enquête ces documents vont révéler l'existence d'un vaste réseau de corruption et de traite d'êtres humains, menant à des paradis fiscaux.

Dans une ambiance studieuse, les stagiaires endossent le temps d'un après-midi le rôle de magistrats et tentent de comprendre par exemple comment des hommes politiques et des particuliers ont pu se distribuer 500 millions d'euros provenant d'un contrat de construction public d'une voie ferroviaire Madrid-Barcelone de cinq milliards d'euros. «Un cas basé sur des faits réels», explique dans un français parfait, Bruno Gonzales Valdelievre, de l'Office antifraude de Catalogne, l'un des intervenants. «Les stagiaires apprennent à réclamer des documents - relevés bancaires, registres commerciaux - pour avancer dans leur enquête», rappelle-t-il.

Et le cas échant à ordonner des perquisitions. «Le but est bien sûr d'obtenir la saisie et la confiscation des biens et des avoirs», souligne ce formateur. Les stagiaires repartent avec de nouvelles méthodes de travail, en évitant l'écueil de «l'enquête tunnel», qui comporte le risque qu'une conviction de départ se révèle fausse au final, souligne un autre formateur, Marc Simon, chef de l'unité d'analyse criminelle de la police fédérale belge. La spécialisation, gérée par l'Université de Strasbourg, répond à un appel d'offres de la Commission européenne, qui finance la quasi-totalité du cursus. Le collège qui organise deux sessions de formation par an, entend former 120 spécialistes d'ici 2015. Il proposera également à l'issue de cette période une méthodologie des investigations financières. L'idée étant d'«uniformiser les règles juridiques de recherche», selon Mme Cutajar. Et de constituer un réseau d'enquêteurs capables d'en former d'autres, à leur tour.

(L'essentiel Online/AFP)

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