Attentat du Super ULa caissière prise en otage raconte son calvaire
Prise en otage par Radouane L. avant d'être remplacée par le colonel Beltrame, l'hôtesse d'accueil a vécu 40 minutes d'angoisse qu'elle a gérées avec un courage remarquable.

Quatre mois jour pour jour après l'attaque du Super U de Trèbes, qui a fait trois morts dans le sud de la France, Le Parisien s'est procuré le procès-verbal du témoignage de la femme prise en otage par Radouane L. Son récit, livré au juge d'instruction début juillet, laisse transparaître un courage et un sang-froid sidérants. Marie* est en pleine journée de travail en ce vendredi 23 mars, lorsqu'elle entend des coups de feu et un individu crier «Allah Akbar».
Elle se réfugie dans un bureau, mais sa planque ne lui sert pas à grand-chose: «Il est entré, il m'a vue, il a dit: "Ben tiens, voilà mon otage". Il avait l'air content de trouver son otage. Assez vite, il m'a dit qu'il ne ferait rien», raconte l'hôtesse d'accueil. À ce moment-là, Radouane L. vient d'abattre deux personnes. S'ensuivra un tête-à-tête à huis clos d'environ 40 minutes, durant lesquelles cette ingénieur de formation fera preuve d'une intelligence et d'un sang-froid impressionnants. «J'ai suivi moult formations en gestion du stress, en communication. Ça m'a servi», explique-t-elle.
«Je suis actuellement euh… prise en otage»
Le terroriste ordonne à son otage de prendre contact avec la gendarmerie: «Bonjour madame, je m'appelle Marie, je travaille au Super U de Trèbes et je suis actuellement euh… prise en otage par un monsieur armé», annonce la caissière. Elle donne ensuite des détails sur l'armement de son geôlier, qui profite de cet appel téléphonique pour revendiquer son appartenance à l'organisation État islamique, écrit Franceinfo.
Maîtresse d'elle-même, Marie comprend rapidement quelle est la bonne attitude à adopter face au terroriste, qui lui pose des questions sur sa vie personnelle. «J'ai compris avec ce qu'il me disait qu'il faisait une distinction entre ceux qu'il allait abattre et ceux qu'il allait laisser en vie. Donc je me suis concentrée pour avoir une attitude pour conserver son respect», explique la caissière. Marie s'efforce d'aller dans le sens de son interlocuteur, qu'elle tente d'apaiser «d'une voix douce», diront les enquêteurs qui ont retranscrit l'enregistrement de cet appel.
«C'était un jihadiste déterminé à mourir»
En apparence, l'employée est d'un calme olympien. Mais à l'intérieur, elle est terrifiée. En face d'elle, le terroriste parle en gesticulant et la jeune femme craint à tout moment de «prendre une balle». «C'était un jihadiste déterminé à mourir, suffisamment armé pour faire du mal, et il m'a dit qu'il ne me ferait pas de mal pour me rassurer. Je ne savais pas du tout ce qui allait se passer», confie-t-elle. Elle ajoute: «Il voulait péter du flic avant qu'on ne l'abatte».
La situation se corse lorsque les gendarmes du PSIG (peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie) entrent dans le magasin. Radouane L. demande alors à Marie de se tenir devant la porte pour lui servir de bouclier. «Il m'a menacée de m'abattre et une minute après il est entré en négociation avec un gendarme», rapporte l'employée. Ce gendarme, c'est Arnaud Beltrame. Il propose au terroriste de prendre la place de Marie. «Il disait par exemple: laisse la jeune femme partir, elle n'y est pour rien, moi je représente les forces de l'ordre, tu vas m'expliquer ce que tu veux», résume la caissière.
Radouane L. et Arnaud Beltrame finissent par se mettre d'accord. Marie, elle, n'ose y croire. «Il y a juste un moment où j'ai dit: «Je vais avancer alors, c'est bon?» Le calvaire de l'otage prend fin au moment où commence celui du colonel, qui ne ressortira pas vivant de sa confrontation avec le terroriste. «J'ai l'impression d'une manière générale que ça a été très long», conclut Marie.
* Prénom d'emprunt
(L'essentiel/joc)