Au GroenlandLa fonte des glaces va dévoiler une base secrète
Au Groenland, le réchauffement climatique menace d'exhumer une base secrète américaine forée dans l'immensité blanche pendant la guerre froide.

This Nasa photo obtained November 24, 2015 shows the Heimdal Glacier in southern Greenland, captured on October 13, from NASA Langley Research Center's Falcon 20 aircraft flying 33,000 feet above mean sea level during NASA�s Operation IceBridge, an airborne survey of polar ice. AFP PHOTO/ HANDOUT / NASA/ GODDARD / JOHN SONNTAG / AFP PHOTO / NASA/GODDARD / JOHN SONNTAG
Glace et neige fondues ruissellent sur les vestiges de cette Atlantide arctique enfouie sous la banquise, avec le risque de déverser dans l'océan eaux usées, polychlorobiphényles (PCB) et résidus radioactifs. «Personne ne pensait que (la base) ferait surface (...) mais le monde a changé», explique William Colgan, glaciologue à l'université canadienne de York. Au train où vont les choses, la base devrait être peu à peu mise au jour à partir de 2090, quand ses architectes espéraient qu'elle repose dans la cryosphère «pour l'éternité», selon une étude publiée sous sa direction dans le journal Geophysical Research Letters.
En 1959, le Corps des ingénieurs de l'armée américaine (USACE) creuse «Camp Century» à environ 200 kilomètres à l'est de la base aérienne américaine de Thulé. Officiellement, il s'agit d'établir des laboratoires de recherche sur l'Arctique. On perce des tunnels pour accueillir les labos, un hôpital, un cinéma et une église, le tout alimenté par un petit réacteur nucléaire. Trois ans plus tard, les militaires américains soumettent à leur état-major le projet «Iceworm»: creuser au même endroit un réseau de galeries et y stocker 600 missiles balistiques.
Qui pour s'occuper des déchets radioactifs?
Les travaux sont lancés mais les ingénieurs réalisent que la glace est vivante, mouvante, qu'elle menace de broyer les tunnels. Le projet est abandonné en 1967. Le réacteur nucléaire est extrait, les déchets demeurent. Face au risque écologique, des voix s'élèvent aujourd'hui pour exiger une grande opération de nettoyage. Mais qui pour le faire? et pour le financer? Le coût du creusement de la banquise et de récupération des déchets à plus de 30 mètres de profondeur serait exorbitant.
Pour le glaciologue William Colgan, il n'y a plus qu'à attendre... la fonte. Le ministre des Affaires étrangères du Groenland, Vittus Qujaukitsoq, se dit «préoccupé» par ce sujet et déterminé à établir les responsabilités. En 1951, les États-Unis et le Danemark - auquel appartenait alors le Groenland, devenu depuis largement autonome - ont signé un «traité de défense du Groenland», qui n'évoque pas ces missiles.
(L'essentiel/AFP)