François Hollande – La mue en champion d'un apparatchik mou

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François HollandeLa mue en champion d'un apparatchik mou

Il s'est lancé dans la course raillé par tous: trop rond, trop apparatchik, trop provincial. Mais François Hollande a tracé lentement son sillon.

Hollande a tracé son sillon. (AFP)

Hollande a tracé son sillon. (AFP)

Au départ, personne ne l'attendait. Il n'était ni l'ancien patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, brillant économiste, ni son ex-compagne, Ségolène Royal, au rapport charnel avec les Français. François Hollande a été le chef du Parti socialiste pendant 11 ans, un homme d'appareil. Député de Corrèze, département rural, il semble très loin du charisme qu'exige en France l'élection présidentielle, cette onction républicaine.

En promettant une présidence «normale», ce fils d'un médecin rugueux d'extrême droite et d'une mère assistante sociale de gauche pressent que la France est lasse de l'énergie débordante de Nicolas Sarkozy, l'hyper-président, de son «exhibition permanente». Ce constat suffit à en faire un «anti-Sarkozy» et un candidat crédible. Pas encore un vainqueur possible. Mais depuis le début de la campagne, les Français découvrent un homme de 57 ans constant dans ses objectifs, et combatif en meeting.

Le tournant du 14 mai 2011

Jusqu'au 14 mai 2011, rien ne le prédispose à se trouver au 2e tour de la présidentielle. Le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, est le favori des socialistes, des sondeurs et de la presse. François Hollande s'est lancé depuis quelques semaines dans la campagne, mais les observateurs sont convaincus qu'il n'est qu'un «lièvre» dans la course présidentielle, qu'il se mettra sur le bas-côté au moment opportun.

Les déboires judiciaires de DSK et l'explosion en vol de sa carrière politique ouvrent la voie à Hollande. Les premiers sondages lui donnent raison, et le placent en tête des candidats de gauche préférés des Français. Mieux, il est en position de battre Nicolas Sarkozy. Un rapport de force jamais démenti depuis. «L'homme n'est ni rusé ni cynique, il est simplement dans une posture d'évitement», dit son biographe Serge Raffy.

«En amour, je suis plutôt dans la catégorie des médiocres»

Évitement? Le mot lui colle à la peau depuis sa plus tendre enfance quand, élève dans une école religieuse, il évite les punitions de ses rigoristes professeurs à coups de sourires et de bonne notes. Après un déménagement à Neuilly, la très chic banlieue parisienne, il découvre Paris, la politique et les filles. «En amour et avec les filles, c'est comme en anglais, je suis plutôt dans la catégorie des médiocres», dit-il.

Au poste avec les prostituées et les SDF

En 1971, il part en Grèce avec des copains. Leur vieille fourgonnette manque de pièces, notamment un volant. Ils décident de les prendre sur un véhicule abandonné. Arrêtés par la police, ils passent la nuit au poste avec les prostituées et les sans-abri. Ni gauchiste ni anarchiste, il est fasciné par François Mitterrand qui sera élu en 1981 à la présidence.

Après l'École nationale d'administration (ENA), creuset des élites françaises, il entre à la la Cour des comptes, puis commence à écrire des «notes» pour le président Mitterrand élu en 1981. À 26 ans, il tente le pari de se présenter aux législatives sur les terres du futur président Jacques Chirac, qu'il interpelle en réunion publique.

«Labrador de Mitterrand»

«Qui êtes vous, monsieur?», lui lance Jacques Chirac. «Je suis celui que vous comparez au labrador de Mitterrand», lui répond le jeune socialiste. Social-démocrate assumé, Européen convaincu, François Hollande s'intéresse surtout aux questions fiscales. Sa compagne, Ségolène Royal, fait son chemin, jusqu'à entrer dans le gouvernement de Mitterrand. Hollande reste dans l'ombre, grandit dans l'appareil du PS, rêve d'un ministère qu'il n'aura jamais.

«Insaisissable» selon son fils

Les échecs de Lionel Jospin en 1995 et en 2002, celui de Ségolène Royal en 2007, l'amènent à se décider: c'est à lui de se présenter. Coaché par sa nouvelle compagne, la journaliste politique Valérie Trierwieler, il perd plus de dix kilos et arrête les blagues intempestives, lui qui était connu pour son humour ravageur. Il se fait tailler des costumes sur mesure, change de lunettes. Il sillonne le pays, travaille à changer son image. L'homme affable, qui fuit le conflit, veut s'afficher solide, «tenace», sa principale qualité pour son ami, l'ex-ministre Michel Sapin. Il surprendra même mercredi, lors de son face-à-face télévisé avec Nicolas Sarkozy, en se montrant plus offensif qu'attendu.

Hollande est «insaisissable», résume son fils aîné Thomas, qui y voit la marque d'un «homme libre», un «stratège» qui veut comprendre les gens mais aussi avoir un coup d'avance. Son goût du consensus - de l'indécision pour ses détracteurs - est un atout pour «rassembler», estiment ses proches.

(L'essentiel Online/AFP)

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