Sécurité routière au Luxembourg – «La vie doit continuer malgré tout»

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Sécurité routière au Luxembourg«La vie doit continuer malgré tout»

Alors que les routes luxembourgeoises ont déjà tué onze fois, lessentiel.lu a rencontré plusieurs victimes qui tentent de se reconstruire après le drame.

Ils s’appellent Stéphane, Cindy ou encore Petra. Tous ont été victimes d’un accident de la route et tentent aujourd’hui de se reconstruire aussi bien physiquement que psychologiquement. Ils ont accepté de parler à lessentiel.lu de leur ressenti, des moments de doutes mais aussi leur espoir de retrouver une vie normale.

Si les victimes souffrent, les proches aussi doivent faire face à un traumatisme important. Il y a un an et demi, la compagne de Karim Drissi a été victime d’un accident de la route. Elle s’en est sortie mais garde des séquelles irréversibles. Ce jour là, sa vie à lui aussi a basculé et ne sera plus jamais la même.

lessentiel.lu :Dans quelles circonstances avez-vous appris la terrible nouvelle ?

Hakim Drissi : Ma compagne devait rentrer du travail vers 23 heures. J’avais préparé le repas et je l’attendais. Au début, ne la voyant pas arriver j’ai pensé qu’elle faisait des heures supplémentaires et puis j’ai fini par m’inquiéter. J’ai donc téléphoné à la police et aux secours qui m’ont informé qu’il y avait eu un accident impliquant deux véhicules. Une dame d’un certain âge était morte et une jeune femme était dans un état grave. J’ai tout de suite compris qu’il s’agissait de ma compagne. Je suis immédiatement parti vers le CHEM d’Esch-sur-Alzette où on l’avait transportée.

Dans un moment pareil on doit se sentir anéanti, non ?

C’est le désastre, la panique. C’est foudroyant. Dans ma tête elle était décédée. On réagit par automatisme dans ces moments là. En chemin, je suis passé récupérer les affaires de ma femme. Quand j’ai vu l’état de sa voiture, j’ai eu un choc monumental, c’était scientifiquement impossible qu’elle ait survécu. Et puis lorsque je suis arrivé à l’hôpital, les médecins ont tenté de me rassurer mais j’ai attendu de longues heures avant de savoir exactement comment allait évoluer l’état de santé de ma femme. Elle allait survivre mais souffrait de nombreux traumatismes. Lorsque j’ai enfin pu la voir, j’ai eu un nouveau choc, elle était défigurée par l’accident.

Comment avez-vous vécu sa convalescence ?

Je suis quelqu’un de très fort psychologiquement mais j’étais à deux doigts de faire une dépression. Je me suis occupé des papiers, des assurances et de gérer les visites de la famille et des amis pour qu’elle se rétablisse au mieux, sans penser à tous ces tracas. Il fallait sans cesse la soutenir, rester positif même dans les moments de doutes. Mais dès que je me retrouvais seul, je craquais.

Avez-vous reçu une aide psychologique ?

Non, aucune. Mais avec le recul je pense que ça m’aurait fait du bien. Dans ces moments là on se retrouve seul. J’ai continué d’aller travailler malgré tout et parfois j’ai manqué de craquer mais je me devais de rester fort pour ma femme. Alors on garde tout pour soi et on avance comme on peut.

Ne ressent-on pas un sentiment de vengeance vis-à-vis de la personne qui a créé l’accident ?

Oui on a envie de se venger mais, dans notre cas, la dame qui a causé l’accident est décédée. Elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer et ses enfants la laissaient conduire. Il y a donc une part de responsabilité de la famille. Pourtant, on ne peut pas porter l’affaire devant la justice car la principale concernée est morte. La frustration est donc un sentiment avec lequel on apprend à vivre tous les jours.

Votre compagne va mieux, mais elle garde des séquelles physiques qui ne la quitteront plus. Comment envisagez-vous l’avenir ?

On avait plein de projets et tout est tombé à l’eau. La vie de ma femme a été détruite le jour de l’accident mais la mienne aussi. On est brisé à vie. C’est comme si quelqu’un avait coupé le fil sur lequel on avançait. Pour l’instant on tente d’évoluer et d’oublier. Mais je sais qu’un jour je finirai par craquer à mon tour. Pour le moment, je reste fort pour elle, pour nous.

Justine Baldin/lessentiel.lu

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