Harcèlement conjugal – La violence psychologique dans le couple plus sévèrement punie?

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Harcèlement conjugalLa violence psychologique dans le couple plus sévèrement punie?

Annoncée fin novembre par le gouvernement français, la création d'un délit de «violences psychologiques» au sein du couple arrive au Parlement mais divise toujours les juristes.

Luc Frémiot, substitut général à la cour d'appel de Douai (Nord), partisan depuis longtemps d'une «tolérance zéro» face aux violences conjugales, est pour, totalement. «J'entends sans arrêt les mêmes demandes des femmes, qui nous racontent leur calvaire: il faut créer un délit de violence psychologique dans le couple».

Pour lui, «il existe dans le droit français» un arsenal suffisant pour définir ces violences: «injures graves et répétées, brimades, comportements vexatoires, isolement, dépréciation de soi...». La preuve? Elle peut venir de «témoignages, de certificats de psychologues, de médecins», dit-il. La sanction? Elle ne dépendrait pas du nombre de jours d'incapacité totale de travail (ITT), comme pour les violences physiques. Mais le magistrat juge préférable de démontrer que les violences relèvent «d'une volonté manifeste d'altérer la santé psychologique de l'autre, de lui porter préjudice». Dans ce cas, elles pourraient être passibles «de 3 à 5 ans d'emprisonnement», estime M. Frémiot.

«On fait dans le compassionnel»

L'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) n'est en revanche pas favorable à une loi créant un délit de «violences psychologiques» dans le couple, tel que proposé par un texte qui sera discuté mercredi au Sénat. «En créant une infraction dont les éléments matériels ne sont pas définis, elle ouvre la porte à des mesures arbitraires, qui pourront se retourner contre les plaignants», déclare Christophe Vivet, secrétaire national de l'USM, vice-procureur à Grenoble. «Un mari violent peut très bien dire que s'il a battu sa femme, c'est parce qu'elle lui faisait subir des violences psychologiques!», remarque-t-il.

Pour le magistrat de l'USM, tant la proposition de loi examinée au Sénat qu'un autre texte qui devrait l'être le 25 février à l'Assemblée nationale, évoquant le «harcèlement moral» dans le couple, «partent d'un bon sentiment». «Mais on fait dans le compassionnel, sans forcément réfléchir aux conséquences juridiques», poursuit M. Vivet. «Et si on ne réfléchit pas, on met le doigt dans un engrenage potentiellement dangereux», estime-t-il.

Mettre des mots sur «les souffrances qu'elles subissent»

L'avocate Yaël Mellul, militante de longue date pour la création d'un délit de violences psychologiques au sein du couple, se «réjouit» de constater que les choses s'accélèrent. Pourtant, le fait que des parlementaires «se proposent de créer un délit de harcèlement moral dans le couple, en le condamnant mais sans le définir», ne la satisfait pas.

«Cela manque de clarté», dit-elle, en prônant une définition de l'infraction: «menaces directes ou indirectes, pressions financières, chantage, insulte, injure, dénigrement public ou privé, isolement social...». Pour des raisons légales et constitutionnelles, dit-elle, mais aussi pour «aider» les victimes, «détruites psychiquement», à mettre des mots sur «les souffrances qu'elles subissent».

lessentiel.lu avec AFP

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