Étude«Le bonheur, c'est une œuvre d’art collective»
Courir après, cela ne sert à rien, il faut le chercher en
dedans de soi, selon le
philosophe français Vincent Cespedes.
Explications à propos du... bonheur.
L'essentiel: Vous vous êtes fait connaître avec «I loft you», en 2001. Comment, en philosophie, passe-t-on de «Loft Story» à la recherche de fond?
Vincent Cespedes: La phrase clé de «Loft Story» n’était-elle pas «C’est que du bonheur»? Cela dit, le loft m’a permis d’ausculter la jeunesse, le processus de concurrence, d’élimination, d’absence de solidarité. J’ai continué à analyser tout ça, l’idée du bonheur en filigrane. Il était temps que je lui accorde enfin une étude.
Avec l’idée d’un génie qui vous offre le vœu suprême!
Il est là pour faciliter la lecture et se demander pourquoi croire qu’il nous manque toujours un ingrédient pour être heureux.
Et?
Bien sûr que non. Il faut arrêter de se victimiser. Le bonheur ne dépend ni de son métier, ni de son cours de gym, ni de son dernier achat.
Alors «le bonheur est-il un choix», comme on a pu l’entendre dans «Monk»?
Non! Le bonheur n’est pas devant vous, il est dedans. Vouloir le bonheur est le meilleur moyen de ne pas y arriver. D’ailleurs, ceux qui le poursuivent ne font en fait que le fuir. Par peur.
Pourquoi a-t-on peur?
Nous sommes une génération conditionnée: l’autre est un danger, il faut travailler, consommer, sourire façon Dexter. Les gens heureux n’ont pas envie de mentir, d’être stressés, de faire des luttes de pouvoir. Le bonheur est subversif et il fait peur aux États. J’ai beaucoup étudié Mai 68, et je peux vous dire qu’on n’a jamais atteint un degré de bonheur aussi fort.
Comment être heureux?
Je dirais plutôt «rendre heureux». On est dans l’onde charme. Le bonheur est une œuvre d’art collective.
Vous le comparez à l’effet champagne...
Oui, je préconise un rapport au monde pétillant. Le meilleur moyen de devenir heureux est de se mélanger à des gens heureux, pétillants, colorés. Ce n’est pas en faisant la gueule qu’on crée de vrais liens, mais en étant dans la générosité.
QUELQUES IDÉES HEUREUSES
Will Smith entraîne son fils
DVD - En anglais, bonheur se dit «happiness» (joie) ou «luck» (chance). Dans ce film de 2005, le personnage joué par Will Smith adopte les deux significations. Et surtout, il confirme, mélo à la clé, l’adage selon lequel «l’argent ne fait pas le bonheur». C’est vrai ça, il a tellement d’amour à donner à son fils (son vrai fils d’ailleurs, qui joue à ses côtés) que l’argent, pff...
«À la recherche du bonheur», de Gabriele Muccino, avec Will et Jaden Smith.
Cali le hurle à tout vent
CHANSON - «C’est quand le bonheur?». Oui, Cali, c’est quand? Il faut le voir se démener à chacune de ses prestations scéniques et crier sa question. À Bègles, en 2006, il est accompagné de Noir Désir pour une version forcément très rock. Quand on pense qu’ils remettent ça cette année sous le très explicite nom des Hyènes et du «Bordel Tour», ça va déménager le bonheur, parole de révolutionnaire.
Douglas Kennedy le poursuit
ROMAN - À lire et à relire! «À la poursuite du bonheur» est le plus beau livre et le mieux construit de Douglas Kennedy, qui prouve, si besoin était encore, la théorie de Vincent Cespedes, poursuivre le bonheur est le meilleur moyen de ne pas y parvenir. Car la poursuite n’a pas de fin. De quoi méditer ceci, on se rend souvent malheureux pour punir quelqu’un de son entourage.
«À la poursuite du bonheur», Douglas Kennedy, Pocket.