Royaume-UniLe couronnement de Charles III donne un nouvel élan à la céramique anglaise
La ville de Stoke est le berceau de la poterie en Angleterre. Les artisans travaillent d’arrache-pied pour répondre à la demande en souvenirs en porcelaine fine.
Avec son coup de pinceau expert, une artisane trace un trait fin doré autour d’une tasse, la touche finale sur cet objet créé pour célébrer le couronnement de Charles III, le samedi 6 mai, le premier d’un monarque britannique depuis 70 ans.
Dans une poterie historique du centre de l’Angleterre, les artisans travaillent d’arrache-pied pour répondre à la demande en souvenirs en porcelaine fine, à six semaines du couronnement, qui aura lieu en l’abbaye de Westminster, à Londres, le 6 mai. «On se sent tellement fier. Il n’y a rien eu de tel depuis le couronnement de la reine» Elizabeth II, en 1953, dit Gary Fraser, directeur de production à Duchess China 1888, dans la ville de Stoke-on-Trent, le berceau de l’industrie de la poterie.
Plus de 28 euros la tasse
Gary, âgé de 57 ans, dont le père et le grand-père travaillaient également dans la poterie, se souvient d’eux ramenant des pièces produites à l’occasion de précédents événements royaux, comme pour le jubilé d’argent d’Elizabeth II, en 1977. «On a le sentiment de faire partie de l’histoire. Les gens transmettront ces objets à leurs petits-enfants», poursuit-il avec fierté.
Duchess China produit de la porcelaine fine depuis plus de 130 ans. Les assiettes, les tasses et autres articles que la société fabrique à l’occasion du couronnement de Charles sont inspirés des articles produits en 1937, pour le couronnement de George VI, le père d’Elizabeth II. Le dessin rouge, blanc et bleu reprend la couronne Tudor des monarques anglais de l’époque d’Henri VIII, avec les mots «God save the king» («Dieu protège le roi») en grandes lettres dorées.
Il faut compter 25 livres sterling (un peu plus de 28 euros) pour une tasse. Chaque pièce passe entre les mains de plus de 20 artisans avant d’être considérée comme terminée.
Le savoir-faire se perd
L’usine est plus occupée que jamais, avec trois événements royaux majeurs en moins d’un an: le jubilé de platine célébrant les 70 ans du règne d’Elizabeth II, l’été dernier, puis son décès, en septembre, et maintenant le couronnement de Charles.
«De toute évidence, une année de couronnement est quelque chose que nous n’avons jamais vécu, et je ne pense pas que l’on puisse s’y préparer», explique le directeur Jason Simms, qui a repris l’entreprise en difficulté il y a quatre ans, avec un partenaire commercial, Andrew Tooth. «Si on avait écouté ce que les gens disaient, nous n’aurions même pas essayé!». Depuis 2019, ils ont fait face à une succession de crises, le Brexit, la pandémie, puis l’augmentation des prix de l’énergie, après l’invasion russe de l’Ukraine.
«On a le sentiment de faire partie de l’histoire. Les gens transmettront ces objets à leurs petits-enfants.»
L’entreprise produit actuellement sa porcelaine cinq jours par semaine, au lieu de deux ou trois habituellement, et a embauché de nouveaux employés. Mais le déclin des poteries à Stoke-on-Trent, dans les dernières décennies, marqué par des faillites et des délocalisations à l’étranger, a compliqué le recrutement.
Gary Fraser travaillait pour Dudson, une entreprise créée au début du XIXe siècle, jusqu’à sa fermeture, en 2019. «Des gens pleuraient. En 20 minutes, toutes les machines se sont arrêtées, les portes ont été fermées et nous avons été escortés hors des lieux», se souvient-il. Avec ces fermetures d’entreprises, la transmission du savoir-faire d’une génération à l’autre s’est perdue.