Témoignage«Le Luxembourg peut sauver la vie des Afghans d'ici»
LUXEMBOURG - Réfugié afghan, Farid Azizi a constaté avec effroi la prise de pouvoir par les talibans dans son pays d'origine. Rencontré par «L'essentiel», il lance un appel.

Farid Azizi travaille à fédérer la communauté afghane au Luxembourg.
Il y a six ans, Farid Azizi quittait l'Afghanistan pour fuir la terreur imposée par les talibans dans sa ville d'origine de Kunduz. Passé par l'Iran, puis la Turquie, avec comme objectif de rallier la Grande-Bretagne, le jeune homme, âgé de 28 ans, a aujourd'hui posé ses valises au Luxembourg, où un statut de réfugié politique lui a été attribué. Décidé à construire son futur malgré les épreuves, Farid a «cru revenir 20 ans en arrière», en voyant les talibans prendre le palais présidentiel à Kaboul, dimanche.
À 7 000 km de la capitale afghane, les images lui ont fait l'effet d'un coup de massue, avec la perspective presque inéluctable de voir son pays d'origine sombrer dans l’obscurantisme le plus profond: «Les droits des femmes n'existent pas. Pour eux, elles ne valent pas plus qu'un animal. Quand vous n'êtes pas d'accord avec les talibans, ils vous tuent, particulièrement si vous êtes quelqu'un d'instruit. Les massacres ont d'ailleurs déjà commencé», liste, dans un très bon français, celui qui vient d'être diplômé de l'Université du Luxembourg. Un retour froid et brutal à l'époque où les exécutions publiques dans les stades étaient chose courante. «L'économie du pays? Ce sera le néant, à part le trafic de drogue sur lequel ils vont faire main basse».
«Une intervention militaire immédiate»
Loin de sa famille, Farid craint pour la sécurité de ses proches, ainsi que pour celle des 38 millions d'Afghans «qui sont majoritairement opposés aux talibans». Mais il avertit également sur une prise de pouvoir qui pourrait ne pas être sans conséquence pour les pays voisins, voire pour l'Europe. «Le danger existe pour le monde entier. Ils pourraient vouloir s'étendre au Tadjikistan, en Russie et même envoyer des terroristes en Europe. Car c'est ce qu'ils sont: des terroristes».
Manifestation à Luxembourg le 28 août
Au milieu de ce marasme géopolitique, le jeune président de l'Afghan-Lux Community Outreach ASBL, l'association de résidents afghans qui organise des événements culturels et participe à l'intégration des réfugiés, «n'attend pas de miracle» du Luxembourg, dans le grand concert des nations, mais un coup de pouce sur le plan de l'accueil. «Le Luxembourg peut sauver la vie des Afghans d'ici en leur accordant le statut de réfugié», estime Farid, qui assure avoir été contacté par des députés luxembourgeois «pour savoir comment le Grand-Duché peut aider». Officiellement, quelque 775 Afghans vivent au Luxembourg, mais ils seraient en réalité plus de 1 500, en comptant ceux qui n'ont pas bénéficié de la protection internationale.
Employé par le Parti pirate en marge de ses études, Farid a su se construire un véritable réseau dans son pays d'accueil, en plus de ses activités associatives et de projets d'entreprise. Le 28 août, il sera à la tête d'une manifestation sur la place d'Armes, dans la capitale, pour sensibiliser sur le sort de l'Afghanistan.
Une série d'accomplissements qui lui offrent un destin tout tracé au Grand-Duché, mais qui ne suffisent pas à son bonheur intégral. «L'autre jour, je me suis demandé: "Pourquoi je ne peux pas retourner chez moi et retrouver ma famille? Pourquoi ne pouvons-nous pas, nous aussi, vivre en paix?"».
(Thomas Holzer/L'essentiel)