Temps de travailLe Luxembourg travaille-t-il plus que ses voisins?
LUXEMBOURG – Le débat sur le potentiel abandon de la semaine de 40 heures au Luxembourg est lancé, tout comme la bataille de chiffres.
- par
- Thomas Holzer

Le gouvernement ne devrait pas légiférer sur le temps de travail avant les prochaines élections.
En gestation pendant plusieurs mois, le débat sur la réduction potentielle du temps de travail s'annonce comme un temps fort dans les mois à venir sur le plan politique avec en filigrane une question essentielle: les résidents et frontaliers travaillent-ils davantage que les salariés des pays voisins? Le Grand-Duché fait partie des pays où la durée légale est la plus élevée (40 heures) contrairement à la France (35 heures) par exemple.
Dans les faits pour autant, le nombre d'heures travaillées sur une année semble beaucoup plus équilibré. «Le nombre moyen d'heures travaillées pour une personne en 2019 est de 1 506 heures au Luxembourg contre 1 576 en Belgique et 1 511 en France. Seule l'Allemagne arrive loin derrière avec 1 382 heures, alors que la moyenne dans les pays de l'OCDE est de 1 593 heures», détaille Jean-Baptiste Nivet, senior economist à la Chambre de commerce.
«Les temps partiels, les congés parentaux ou encore les jours fériés influent sur la quantité de travail effectuée par les salariés sur une année. Ce chiffre a d'ailleurs diminué de 60 heures entre 2007 et 2019». Pour la Chambre de commerce, le constat est clair: la réduction du temps de travail a déjà été amorcée dans les faits depuis plusieurs années.

La Chambre de commerce
Le ministère du Travail a, lui, avancé d'autres chiffres en se basant sur une étude du Statec de 2019 concernant le nombre d'heures travaillées sur une année par les salariés à temps plein. Avec 1 701 heures, les Luxembourgeois arrivent loin devant les Allemands (1 677 heures), les Français (1 545 heures) et les Belges (1 495 heures). Dès son arrivée à la tête du ministère, Georges Engel (LSAP) s'était dit favorable à la baisse du temps de travail pour notamment «mieux concilier vie privée et vie professionnelle».
«Un risque de perte de pouvoir d'achat»
«C'est un choix de société. Mais il ne serait pas sans effet. Ainsi, les entreprises essaieront de rattraper la baisse du taux de productivité, ce qui influera négativement sur les salaires», explique M. Nivet, qui préfigure un risque de «perte de pouvoir d'achat» et une accentuation des pénuries de main-d'œuvre dans certains secteurs. Et l'économiste de préciser que le contexte inflationniste actuel s'avère moins propice «qu'il y a 4 ou 5 ans».
«Grand changement sociétal»
La Chambre de commerce rappelle ainsi que le temps de travail ne figure pas dans les «problèmes les plus importants» auxquels doit faire face le Luxembourg, d'après l'Eurobaromètre de l'hiver 2021/2022. Le logement et l'inflation arrivaient en tête, mais l'environnement et le changement climatique figuraient à la troisième place.
Or, une baisse du temps de travail constituerait un signal fort vers une société moins productiviste et in fine plus portée sur le développement durable. Au moins le ministre Engel rejoint la Chambre de commerce sur un point: «Réduire le temps de travail constituerait un grand changement sociétal».