Diplomatie: Le paradoxe de l'«idylle» Chine-Luxembourg

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DiplomatieLe paradoxe de l'«idylle» Chine-Luxembourg

LUXEMBOURG/PÉKIN – Le Luxembourg et la Chine entretiennent une connexion ambiguë entre liens économiques forts et refroidissement des relations sino-européennes. Explications.

Thomas Holzer
par
Thomas Holzer
Le Premier ministre Xavier Bettel avec le président chinois Xi Jinping.

Le Premier ministre Xavier Bettel avec le président chinois Xi Jinping.

SIP

50 ans de relations diplomatiques et un lien qui doit perdurer. Au milieu du mois de novembre, le Grand-Duc Henri échangeait avec le le président chinois Xi Jinping et saluait «une coopération bilatérale fructueuse», tandis que le Premier ministre Xavier Bettel pavait la voie à «de nouveaux domaines de collaboration».

Solicitée par L'essentiel, l'ASBL ChinaLux, active pour favoriser les échanges commerciaux entre les deux pays, ne peut que s'en réjouir. Elle insiste sur les «liens très forts» entre l'empire du Milieu et le Grand-Duché. Économiques avant tout avec l'intérêt majeur suscité par la place financière luxembourgeoise, première mondiale concernant les fonds d'investissement. Pas moins de sept banques chinoises se sont établies au Luxembourg, la dernière China Everbright Bank en 2016.

Pas de nouvelles banques chinoises en approche

«C'est le boulevard Royal de Chine (…) La place luxembourgeoise est un hub pour les filiales bancaires chinoises en Europe», expliquent Zhujun Xie, présidente de l'association, et Jacques Bortuzzo, vice-président. Une dynamique qui a toutefois subi un coup d'arrêt avec la crise Covid. Selon ChinaLux, aucune autre banque chinoise n'a prévu de s'établir au Grand-Duché dans les années à venir.

Un recul des intérêts chinois au cœur de l'Europe? Au contraire, la Chine mise désormais sur les nouvelles technologies, les énergies vertes, et bien sûr, les secteurs stratégiques. En plus de la BIL, passée sous pavillon chinois (ndlr: la BIL est dirigée par une équipe de gestion contrôlée par la CSSF et l'ECB, sous la direction du CEO luxembourgeois Marcel Leyer. Le management board est originaire du Luxembourg et de la Grande Région. Legend Holding détient une part de la BIL avec l'État luxembourgeois, mais n'est pas impliquée dans les activités opérationnelles), des actionnaires chinois ont investi dans le capital de la compagnie de fret Cargolux à hauteur de 35% ou encore dans le fournisseur d'énergie Encevo (24%).

«La Chine est devenue agressive»

Isabel Wiseler-Lima, députée européenne

Des prises d'intérêt qui posent question, et qui relèvent du paradoxe considérant les relations devenues glaciales avec l'Europe. Or, le Luxembourg fait partie des fers de lance de l'Union européenne, dont il défend avec vigueur les positions sur le plan international. «La Chine s'est ouverte avant de se refermer. Elle est devenue agressive», résume la députée européenne luxembourgeoise Isabel Wiseler-Lima.

L'élue CSV a été sanctionnée l'année passée par la Chine en raison de son appartenance à la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen, tout comme Charles Goerens (DP), après que l'UE ait elle-même sanctionné des responsables chinois pour leur implication dans des violations des droits de l’Homme à l’encontre de la minorité ouïghoure.

Charles Goerens et Isabel Wiseler-Lima.

Charles Goerens et Isabel Wiseler-Lima.

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«Cela ne modifie pas mon regard sur la Chine. Il faut dépasser cette situation et faire bouger les lignes. Discuter du climat, de la santé et de la sécurité avec un pays aussi important est indispensable (…) Les relations se sont tendues, mais il faut avoir une politique proactive», a estimé le député européen dans une interview accordée à L'essentiel, pointant également l'utilité potentielle de la Chine dans le règlement du conflit russo-ukrainien.

Le Luxembourg et ses «pressions acceptables»

Dans sa déclaration de politique étrangère, le chef de la diplomatie luxembourgeoise Jean Asselborn s'est montré habile, définissant la Chine comme «un acteur incontournable» avec qui il existe «de vrais désaccords». «Le Luxembourg continuera à aborder tous les sujets dans le cadre d’un dialogue critique et constructif», a-t-il résumé.

Une position nuancée qui semble convenir aux autorités chinoises. «Les ''pressions'' du Luxembourg sont acceptables. Le business est toujours important et le Grand-Duché est toujours prêt à discuter», se félicitent les responsables de ChinaLux. Quitte à entretenir une certaine ambiguïté…

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