Adieu en imagesLe passage Hamilius vit ses dernières heures
LUXEMBOURG - Lieu phare de la scène hip-hop mais aussi lieu de passage pour nombre de piétons, le souterrain Hamilius sera définitivement fermé lundi. Alain Tshinza, réalisateur du film «Hamilius», évoque son histoire.

Une odeur nauséabonde, des couloirs sales, des grafitti délavés, des échafaudages de partout. Le passage Hamilius n'est plus que l'ombre de lui-même. Même avant sa décrépitude, le souterrain divisait. Certains l'ont toujours trouvé sale, mal famé, d'autres aiment sont côté underground. Mais une chose est sûre: il a marqué la vie de la capitale. Ce week-end, c’est la dernière fois que les passants pourront l'emprunter. Il sera définitivement fermé dès lundi matin, avant démolition dans le cadre du grand projet Royal-Hamilius. L’occasion de revenir en mots et en images sur son histoire. Et qui mieux qu'Alain Tshinza, rappeur et réalisateur du documentaire «Hamilius», pour en parler...
Le Luxembourgeois, plus connu sous le nom d'Alpha Toshineza, est un peu ému quand il évoque le souterrain. Ce week-end, comme beaucoup de "hip-hopeurs" du pays, il dira adieu à «un épisode de son adolescence». «À Aldringen, dans les années 90, je trainais avec des gens de tous bords: des activistes hip-hop, des skaters, des punks, des skins, des rockeurs alternatifs, et j'en passe...», se souvient-il en énumérant la liste des crews (MQP, HLM, les Otoktones de la Toundra, MNS, Zulunation, Squadgang Posse, FTA, Black Boys, Gang star...). «Lorsqu'on organisait des jams, des soirées ou des virées nocturnes un peu partout dans le pays, le centre Hamilius restait pour beaucoup d'entre nous le lieu de rencontre principal».
«Des Hamilius il y en aura d'autres»
Certaines personnes poussent certainement un ouf de soulagement en sachant que le souterrain va bientôt être définitivement rasé. Alain Tshinza en est conscient. Et quand on lui demande de nous raconter ses souvenirs les plus marquants, il nous raconte la fois où un homme lui a pointé une arme à feu sur la tête alors qu'il traversait le souterrain. Mais rien de bien grave selon lui: «Un petit jeune de 16 ans qui se prenait pour le roi de la bande». Une autre fois, un homme lui a raflé des affiches, puis il est en parti en courant. «À ma surprise c'est lui qui s'est occupé de coller mes affiches. J'ai trouvé ça plutôt cool de sa part», confie le jeune homme. «Ces dernières années beaucoup de b-boys s'y entrainaient et ça ramenait une "vibe" positive à cet endroit. On y a tous laissé une empreinte», raconte-t-il encore.
Mais Alain Tshinza est philosophe. Même si la démolition n'était selon lui «pas la seule solution», «elle n'est pas un drame». «J'ai appris à ne pas m'attacher aux choses terrestres. Ils peuvent bien démolir l'endroit mais les souvenirs on les garde. Les jeunes continueront à se rassembler ailleurs et des Hamilius il y en aura d'autres», conclut le rappeur. Pour ceux qui n'arrivent pas à faire le deuil, une fête sera organisée dans le souterrain le 13 juin. Pour les autres, si vous passez en ville ce week-end n'hésitez pas arpenter une dernière fois ce lieu mythique de la capitale. Et cela même s'il faudra certainement vous boucher le nez...
Le trailer du documentaire «Hamilius» d'Alain Tshinza, sorti en 2010:
(Fatima Rougi/L'essentiel)