Aux États-UnisL’échange de Brittney Griner contre un marchand d’armes fait débat
Le président américain Joe Biden doit faire face à diverses critiques concernant la libération de la basketteuse, condamnée en août à 9 ans de prison en Russie.
Joe Biden ne «s’excusera pas», a affirmé sa porte-parole: l’échange de prisonniers entre une star du basket, Brittney Griner, et un trafiquant d’armes russe de haut vol, Viktor Bout, faisait vivement débat jeudi aux États-Unis. Assaillie de questions lors de son briefing quotidien pour savoir si le président américain n’avait pas fait une «mauvaise affaire» comme le clame l’opposition républicaine, la porte-parole de la Maison Blanche Karine Jean-Pierre n’a pas fléchi.
Le démocrate de 80 ans n’a pas pris sa décision «à la légère», a-t-elle assuré, et reste «vigilant» après la remise en liberté de celui qui a été surnommé le «marchand de mort».
«Je pense honnêtement que Viktor Bout a passé un temps suffisant en prison pour les crimes qu’il a commis»
Reconnaissant que l’échange de prisonniers pouvait «être ressenti dans l’immédiat comme injuste ou arbitraire», elle a expliqué que «Le président estimait avoir une obligation morale. C’était soit Brittney, soit personne. Et nous ne nous excuserons pas pour cela».

Brittney Griner est désormais libre.
«Je pense honnêtement que Viktor Bout a passé un temps suffisant en prison pour les crimes qu’il a commis», a dit à l’AFP la juge Shira Scheindlin, qui a prononcé sa condamnation. Arrêté en Thaïlande en 2008, il avait écopé d’une peine de 25 ans de prison aux États-Unis, dont il aura purgé la moitié environ.
«Il n’était pas lui-même un terroriste. Il était un marchand d’armes. Il y a des marchands d’armes partout, y compris aux États-Unis et en France», a-t-elle ajouté.
«Stupide et embarrassant», selon Trump
Ce n’est pas l’avis de nombre de ténors du parti républicain, à commencer par l’ancien président Donald Trump, qui a dénoncé sur son réseau Truth Social un «marché à sens unique», «stupide» et «embarrassant.» D’autres, comme la parlementaire républicaine Nicole Malliotakis, soulignent surtout que la transaction ne règle pas le sort un autre Américain détenu en Russie depuis quatre ans, l’ancien militaire Paul Whelan: «Un Marine américain est laissé pour compte dans une autre mauvaise affaire conclue par Biden», a-t-elle dénoncé.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a lui souligné que la Russie voulait traiter les deux affaires de manière différente, en raison des «fausses accusations d’espionnage» que Moscou fait peser sur Paul Whelan.
Condamnée à 9 ans de prison
Pour Will Pomeranz, directeur du Kennan Institute au Wilson Center, un think-tank, le cas de l’ancien militaire américain, condamné en 2020 à 16 ans de prison, sera désormais difficile à régler: sa «meilleure chance» de quitter la Russie «était de faire partie de l’échange avec Brittney Griner», dont le cas a déclenché une forte mobilisation, en particulier dans le monde du basket féminin.
La sportive avait été arrêtée en février à Moscou avec une vapoteuse et du liquide contenant du cannabis, un produit interdit en Russie. En août, elle avait été condamnée à neuf ans d’emprisonnement. Will Pomeranz signale que le président russe Vladimir Poutine était «en position de force», face à un Joe Biden qui s’est impliqué de manière très personnelle et très médiatique pour la libération de Brittney Griner.
Possible pression de l’opinion publique
Les États-Unis, comme d’autres démocraties, se plient parfois à des échanges de prisonniers considérés comme déséquilibrés, mais dont les gouvernements estiment qu’ils répondent à de fortes attentes de leurs opinions publiques. En 2011, Israël avait ainsi libéré plus de 1’000 prisonniers en échange d’un seul soldat, Gilad Shalit.
En ce qui concerne Brittney Griner, les critiques les plus fortes restaient surtout concentrées, en tout cas dans les premières heures suivant l’annonce, dans le camp conservateur.
Est-ce révélateur de l’opinion publique? Un joueur de football américain, Micah Parsons, s’est excusé sur Twitter pour un message dans lequel il s’indignait que les États-Unis «abandonnent un Marine».
Face à un déferlement de critiques, il est revenu sur ses propos pour se dire «extrêmement heureux» de la libération de la double championne olympique, âgée de 32 ans.