Législatives 2023Sam Tanson: le climat, «plus grand défi de ma génération»
LUXEMBOURG – Tête de liste de Déi Gréng, la ministre de la Justice et de la Culture évoque les ambitions écologistes de son parti et dresse le bilan des cinq années écoulées.
- par
- Séverine Goffin et Jérôme Wiss

Sam Tanson, ministre de la Justice et de la Culture, et tête de liste Déi Gréng.
L'essentiel: Vous vous voyez Première ministre?
Sam Tanson, tête de liste Déi Gréng aux législatives: C'est clair que quand on rentre dans une compétition, c'est pour la gagner. Donc oui.
Avec qui seriez-vous susceptible de gouverner?
Ce qui nous importe, c'est qu'on ait un ou des partenaires de coalition avec qui on réussisse à transposer notre programme. On veut une transition écologique qui nous serait utile à toutes et à tous.
Qu’est-ce qui serait un bon résultat pour Déi Gréng?
Si on regarde notre histoire, nous étions à sept mandats avant 2013, nous sommes descendus à six en 2013, puis nous sommes montés à neuf en 2018. C'était un score très fort. Notre but affiché, c'est de le maintenir.
Quelle est la mesure phare du programme des Verts?
On ne peut pas parler d'une mesure en particulier, c'est un tout. Le plus grand défi pour ma génération, c'est de maintenir notre ambition écologique, de réaliser la neutralité climatique. Ce n'est pas une seule mesure qui va nous le permettre. Nous devons continuer à moderniser notre pays en matière de mobilité, d'énergie et à accompagner les entreprises dans la transition écologique.
«La crise climatique est déjà là»
Tous les partis mettent de l'écologie dans leur programme. Être Vert a-t-il encore un sens?
D'autres partis ont des caractéristiques dans leur dénomination, on ne leur demande jamais leur plus-value. Sur le fond, ce sont les Verts qui ont vraiment amené l'ambition climatique et écologique dans le gouvernement luxembourgeois. Nous nous sommes donné des objectifs ambitieux et nous les réalisons. Je vois aussi que tout le monde veut bien parler d'écologie, ce que je trouve rassurant, mais il y a tellement de nuances. Beaucoup de partis disent qu'il faut d'abord régler d'autres problèmes avant la crise climatique. Nous sommes d'avis que tous les problèmes et défis actuels doivent être résolus en parallèle.
La crise climatique a déjà commencé. Est-il encore temps de la prévenir ou faut-il déjà préparer les sociétés à absorber le choc?
Je suis convaincue qu'il n'est pas trop tard pour résoudre la crise climatique. Mais, nous l'avons encore vu cet été, les changements sont déjà là, avec une augmentation des températures, des feux de forêt impressionnants, une sécheresse et des pluies torrentielles. Nous devons donc agir sur deux fronts. D'un côté, empêcher une augmentation future, d'un autre nous adapter à ce changement déjà réel.
«Il faut des arbres»
Comment s'adapte-t-on?
Je vous donne l'exemple de l'agriculture, des produits qui peuvent être cultivés dans un pays plutôt qu'un autre. Dans la viticulture, il y a déjà un changement sur ce qui est cultivé. On voit aussi l'importance de verdir les villes, ce qu'on ne fait pas encore assez, au Luxembourg. Avoir un espace vert dans un centre d'habitation peut réduire de 10°C la température ambiante. Il faut que les centres urbains restent agréables à vivre. Et pour cela, il faut des arbres.
Ne serait-il pas temps d'avoir des mesures véritablement contraignantes pour les entreprises, les grands groupes?
Il est important de donner les incitations nécessaires, qui fonctionnent. Pas seulement pour les entreprises. Nous avons identifié plusieurs secteurs qui ont un impact sur notre empreinte écologique. D'une part la mobilité, où un vrai changement s'est opéré ces dix dernières années, avec un fort investissement dans le rail, le tram, avec la gratuité. Ensuite, le logement et l'énergie utilisée par les particuliers. De plus en plus de pompes à chaleur, de panneaux solaires sont installés. Et nous accompagnons, avec des aides positives et élevées, cette transition chez les particuliers.
Dans l'industrie, les entreprises qui investissent dans la transition sont celles qui en profitent aussi en termes de compétitivité. Il faut encore renforcer ces aides et mécanismes, et l'investissement dans la transition au sein des entreprises. Nous devons avoir un «green new deal» au Luxembourg.
«Aucun de nos partenaires n'était demandeur pour le ministère du Logement»
Le Luxembourg ne compte que 3% de logements abordables, un problème auquel Déi Gréng tentent de s'attaquer depuis cinq ans… «En 2018, nous avons pris nos responsabilités en acceptant ce ministère pour lequel aucun de nos partenaires n’était demandeur. Et le résultat est là, même s’il ne se ressent pas encore au niveau des prix. Quand on sait qu’entre le moment de la planification d’une construction et sa réalisation, il peut se passer dix ans, c’est normal. Mais les jalons ont été posés», affirme Sam Tanson. «Au cours des derniers cinq ans, Henri Kox a presque multiplié par dix les investissements permettant à l’État et aux communes de créer des logements destinés à être loués ou vendus en emphytéose, à des prix abordables».
En outre, le ministre du Logement en titre «a fait voter pour plus d’un milliard d’euros de grands projets, dont un certain nombre sont en cours de construction. Des lois ont été votées, d’autres déposées, dont la taxation sur les logements vides ou encore l’impôt à la mobilisation des terrains. Les aides individuelles ont été renforcées», énumère la tête de liste.
«La situation au quartier de la Gare est compliquée depuis longtemps»
La délinquance a augmenté, on rapporte beaucoup de problèmes au quartier de la Gare… Comment améliorer la situation? Les Verts ont-ils raté leur mandat sur ce point?
C'est un ministère compliqué, mais Henri Kox et, avant lui, François Bausch, n'ont pas hésité à prendre cette responsabilité. Ils en ont fait un véritable ministère. Il y a aussi eu une réelle offensive de recrutements de policiers et de personnels civils. Depuis 2020, 600 policiers ont été recrutés. Ça prend ensuite du temps avant qu'ils soient sur le terrain. Henri Kox s'est vraiment engagé pour donner plus de moyens à la police et renforcer sa visibilité. C'est important que les citoyens voient cette présence et se sentent plus en sécurité.
La situation au quartier de la Gare est compliquée depuis très longtemps. Un facteur s'est aggravé ces dernières années: la multiplication d'institutions qui attirent des drogués, des personnes sans domicile. L'abrigado était un projet formidable, précurseur, mais c'est vraiment trop grand. Une des solutions serait une décentralisation de ces institutions, de les répartir sur plusieurs quartiers, avec des structures plus petites.
«La visibilité des policiers doit être renforcée»
Vous comprenez l'inquiétude des gens?
Oui, je comprends. C'est aussi un énervement face à l'insalubrité, aux seringues près des terrains de jeu… C'est pour ça qu'il faut agir sur plusieurs niveaux, la prévention, la décentralisation et l'urbanisme et la propreté au niveau de la ville. Et évidemment, la répression doit être au rendez-vous, et elle l'est, mais la visibilité des policiers doit encore être renforcée, ce qui peut se faire avec cette vague de recrutements d’Henri Kox.
Sur le volet pénal, des mineurs atterrissent toujours à Schrassig, des problèmes graves sont relevés à Dreiborn. Pourquoi?
Il est urgent depuis des années d’offrir une bonne prise en charge des mineurs, qu’ils soient victimes d’un acte pénal ou auteurs. Nous avons concentré énormément d’efforts sur des textes où figure l’interdiction de détention des mineurs dans un centre pénitentiaire pour adultes. Malheureusement, vu la surcharge de travail au Conseil d’État, la loi n’a pu être votée durant ce mandat. Le ministère de la Justice n’a aucun impact sur les décisions prises par les juges sur le placement de ces jeunes.
Quant à Dreiborn et son unité fermée (UNISEC), elle doit être retravaillée. Elle est trop petite pour une prison mais n’est pas non plus pensée pour des jeunes en difficulté qui n’ont pas commis d’infraction, comme de jeunes fugueurs. Il n’y a que douze places et dès qu’une fille arrive, un étage entier est bloqué.
«Il n'est humainement pas tenable de jouer la comédie toute la journée».

Quand certains politiciens sont exubérants, à l’inverse vous paraissez plus en retenue? Est-ce votre personnalité ou un choix conscient?
Je pense qu’il n’est humainement pas tenable de jouer la comédie à longueur de journée. Je suis ce que je suis. Je semble peut-être un peu réservée de prime abord mais j’adore discuter avec les gens. Je suis juste attentive à ne pas empiéter sur leur espace personnel.
Quels sont les points positifs que vous retenez du bilan des Verts sur la dernière législature?
En termes de mobilité, une réelle transition s’est opérée. Aujourd’hui, on n’imaginerait plus la capitale sans le tram. Nous nous sommes attaqués à l’énergie renouvelable dont la production a été quadruplée. La protection de la biodiversité a été renforcée, avec notamment 83% de nos sources d’eau enfin protégées. Comme pour la police, des recrutements ont été réalisés au sein de la Justice. Au niveau de la culture, il a fallu soutenir les artistes pour que la scène reste vivante après la pandémie. Enfin, l’investissement dans la défense a été massivement renforcé et je pense que Luxembourg s’est positionné au niveau international avec les aides fournies à l’Ukraine.
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