TVA à 10% en France – Les petits devraient le plus souffrir

Publié

TVA à 10% en FranceLes petits devraient le plus souffrir

L'augmentation de la TVA au 1er janvier aura, selon ses détracteurs, de sérieuses conséquences dans la restauration et dans l'hôtellerie, surtout au niveau des petits établissements.

Le taux de TVA appliqué au secteur passera mercredi à 10%, «au plus mauvais moment», selon Roland Héguy, président de l'Umih, la confédération majoritaire dans le secteur des cafés, hôtels, restaurants et discothèques. Cette augmentation de trois points doit officiellement financer le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), en vigueur depuis janvier dernier afin de diminuer le coût du travail des salariés rémunérés jusqu'à 2,5 Smic. Le monde de l'hôtellerie et de la restauration s'était battu bec et ongles pour obtenir une baisse de la TVA frappant leurs services de 19,6% à 5,5%. Ils avaient obtenu gain de cause en 2009 - avec un coût de 3 milliards d'euros pour les finances de l'Etat - en s'engageant à baisser leurs prix, à recruter et à relever les salaires pratiqués dans la profession.

La TVA avait déjà été remontée une première fois pour le secteur à 7% en 2012. «Il y a eu 13% de défaillance en plus entre 2012 et 2013 dans la restauration. La situation économique s'est profondément dégradée depuis deux ans», rappelle M. Héguy, pour qui «cette hausse peut être le coup de grâce pour beaucoup d'affaires et provoquer un grand plan social invisible». Dominique Bénézet, délégué général du Syndicat national de la restauration thématique et commerciale (SNRTC), constate d'ailleurs que «sur les 24 derniers mois les heures travaillées par nos adhérents ont diminué de 10%, nous faisant perdre à périmètre constant 2.700 emplois». Dans l'hôtellerie, qui compte trois fois moins de salariés, l'effet s'annonce pareillement douloureux, alors que la mise en conformité des établissements en matière d'accessibilité et d'environnement a déjà demandé beaucoup d'investissements.

Mauvaise image des restaurateurs

«Ajoutez à cela la montée en puissance des distributeurs en ligne qui récupèrent une partie du chiffre d'affaires des hôtels et instaurent des redevances commerciales», souligne Pierre-Frédéric Roulot, président du Louvre Hotels Group (Première Classe, Campanile, Kyriad). «Le tout dans un contexte économique atone. Résultat: depuis une décennie, chaque année entre 2 et 3% des hôtels ferment», affirme-t-il. Les restaurateurs, notamment les plus modestes, appréhendent particulièrement ce changement de taux, accusés qu'ils sont de ne pas avoir joué le jeu lors de la baisse de la TVA en 2009, un problème d'image qui persiste depuis lors.

Selon Mark Watkins, directeur de la société d'études Coach Omnium, «le Français aime bien le restaurant qu'il a choisi, où il va en toute confiance, pas les restaurateurs en général, surtout depuis qu'il sait que 70 à 80% d'entre eux travaillent, soit en partie, soit en totalité, avec des produits industriels». Pour ces deux secteurs d'activité, le dilemme se résume à augmenter les prix, au risque de perdre de la clientèle, ou à réduire les marges, un ajustement qui pénalisera dans les deux cas en priorité les établissements les plus modestes, non franchisés, et disposant donc de peu de latitude.

Certains ont anticipé

«Si on augmente tout de suite, les 80% de gens qui prennent leur repas à moins de 12 euros le verront tout de suite et on sera sanctionné», prévient Roland Héguy. Thierry Poupard, spécialiste du marketing pour la restauration, recommande «d'augmenter discrètement les produits marginaux qui se vendent moins bien à l'inverse des plus populaires, en permanence à la carte et dont le consommateur connaît parfaitement le prix». «Certains restaurateurs ont déjà modifié un peu leurs prix en juillet-août en prévision, mais beaucoup d'autres n'ont rien fait en attendant d'être sûr que la mesure soit adoptée», révèle-t-il.

Chez les hôteliers où 41% des établissements de moins de vingt-cinq chambres étaient déjà déficitaires en 2012, Pierre-Frédéric Roulot craint «une hécatombe des indépendants, qui amènent créativité et innovation». Et il s'attend également à ce que son groupe souffre en dépit de son statut: «Certes, le "pricing" (politique tarifaire) dynamique, que peut se permettre un grand groupe comme le nôtre et qui est plus difficile à mettre en œuvre pour un indépendant, permet d'améliorer le chiffre d'affaires mais il a ses limites». «Aujourd'hui, on passe à 10% mais pour combien de temps?», s'interroge pour sa part Mark Watkins, pensant aussi aux nouvelles mesures, envisagées, telle une taxe sur l'hôtellerie de luxe, ou entérinées, comme l'obligation d'informer le consommateur sur les allergènes.

(L'essentiel Online/AFP)

Ton opinion