HistoireL’Espagne veut «solder sa dette» avec le franquisme
Le gouvernement espagnol poursuit son devoir de mémoire. Il veut rechercher des disparus, établir une carte des fosses communes et créer une banque ADN des victimes du franquisme.

Le gouvernement espagnol avait exhumé, en octobre 2019, la dépouille de Franco de son mausolée du Valle de los Caidos, près de Madrid, pour la transférer en hélicoptère dans un cimetière du nord de la capitale.
Avancer dans le travail de mémoire et sortir des fosses communes les milliers de victimes de la dictature franquiste: le gouvernement espagnol a présenté, mardi, la version finale d’un projet de loi visant à «solder une dette historique avec le passé».
Plus de 100 000 victimes de la Guerre civile (1936-1939), remportée par Franco, qui a ensuite dirigé l’Espagne d’une main de fer jusqu’à sa mort, en 1975, se trouvent dans des fosses communes, selon les estimations d’historiens et de descendants des victimes.
Faciliter l’identification des victimes
Ce projet de loi de «Mémoire démocratique» doit désormais être adopté par le Parlement. «Aujourd’hui, l’Espagne solde une dette historique avec son passé», a déclaré le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, en saluant un projet de «loi plus que nécessaire qui nous fait grandir comme pays».
Il prévoit des fonds publics pour rechercher les disparus, l’établissement d’une carte de toutes les fosses communes ou la création d’une banque d’ADN des victimes, afin de faciliter leur identification.
Condamnations annulées
Les condamnations des républicains espagnols par la justice du régime franquiste seront aussi annulées, selon ce texte. Celui-ci prévoit la création d’un Parquet dédié aux enquêtes sur les violations des droits de l’homme durant la Guerre civile et la dictature, empêchées jusqu’ici par une loi d’amnistie votée en 1977, au nom de la transition vers la démocratie.
Le pays, qui avait déjà adopté en 2007 une loi de mémoire historique, voulait aller plus loin pour se mettre en conformité «avec le reste des pays européens ayant connu une dictature», a souligné, mardi, le ministre de la Mémoire démocratique.
«Un pays plus digne»
«Cette loi fera de notre pays un pays plus digne, qui prend en compte ses victimes» ayant «perdu la vie en combattant une dictature», a dit Félix Bolaños lors d’une conférence de presse. Diverses associations jugeaient insuffisant le travail de mémoire engagé par l’Espagne, tout comme le Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui, en 2014, avait épinglé des «lacunes» dans la politique de l’État espagnol en la matière.
Dans un rapport, il critiquait notamment le fait que la recherche des disparus était «déléguée aux victimes et aux associations», alimentant «l’indifférence des institutions étatiques». Le gouvernement espagnol avait exhumé, en octobre 2019, la dépouille de Franco de son mausolée du Valle de los Caidos, près de Madrid, pour la transférer dans un cimetière du nord de la capitale.
Plus de 45 ans après le décès de Franco, les plaies de la dictature sont encore ouvertes en Espagne, où la droite accuse la gauche de vouloir raviver les blessures du passé. Elle a d’ailleurs promis d’abroger cette loi si elle revenait au pouvoir.
(L'essentiel/AFP)