Comptes cachésLuxembourg n'échappe pas au «Offshore-Leaks»
LUXEMBOURG - Pour les adeptes de l'évasion fiscale, les révélations effectuées par la presse ce jeudi sont une catastrophe. Exemple avec Gunter Sachs qui a eu recours au savoir-faire luxembourgeois…

Ce jeudi 4 avril 2013 pourrait être celui d'un véritable séisme financier pour 130 000 personnes vivant dans 170 pays. Le monde de ces personnes, apparaissant sur la liste des fraudeurs fiscaux possédant au moins un compte dans l'un des paradis fiscaux, peut être sur le point de s'effondrer. Une liste réalisée grâce au travail de 86 journalistes internationaux et qui désignent des hommes d'affaires, des hommes politiques ou des oligarques et leurs manipulations financières destinées à cacher au fisc de leur pays certains de leurs revenus, au travers de sociétés-écrans.
Parmi les noms les plus célèbres issus de cette liste se trouve Gunter Sachs, un homme d'affaires et photographe allemand, connu notamment pour son mariage avec Brigitte Bardot, en 1966. Une personnalité qui a eu recours, selon le Süddeutsche Zeitung, à un système financier complexe pour éviter de payer d'importantes sommes au fisc allemand. Un système dans lequel la place financière luxembourgeoise joue un rôle. Selon le quotidien allemand, la fortune de Gunter Sachs, qui s'est suicidé en 2011, a été cachée dans différentes sociétés et autres trusts basés aux îles Cook, au Panama, aux îles vierges britanniques et au Grand-Duché.
13% de l'argent des paradis fiscaux au Luxembourg?
Entre 2003 et 2008, le millionnaire possédait ainsi des actions dans quatre sociétés «offshore». «En 2008, Gunter Sachs décide de mettre toutes ses actions dans le même panier, au Grand-Duché du Luxembourg», écrit le Süddeutsche Zeitung dans son édition de jeudi. Des sociétés-écrans qui ont pu gérer en toute discrétion l'équivalent de 7,4 millions d'euros. Une affirmation que démentent fermement les gestionnaires de la fortune de l'homme d'affaires allemand, ces derniers indiquant que «ces sociétés ont été déclarés auprès du fisc, du vivant même de monsieur Sachs».
Pour Wolfgang Reinicke, ancien consultant pour la Banque mondiale et gérant des sociétés luxembourgeoises, le Grand-Duché a bien fait partie de ce montage complexe, mais n'était que la partie émergée de l'iceberg. Souvent pointé du doigt lorsqu'il est question de secret bancaire, le Grand-Duché est ainsi classé en troisième position dans le classement 2011 de l'évasion fiscale, établi par l'ONG Tax Justice Network. Juste derrière la Suisse et les îles Caïman. Selon les estimations de l'organisation, 13% de l'argent caché dans les paradis fiscaux à travers le monde se trouverait au Grand-Duché.
Une position qu'a démenti à de nombreuses reprises le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden (CSV), affirmant haut et fort que «le Luxembourg n'est pas un paradis fiscal». Et le ministre d'indiquer que les pays respectent toutes les règles internationales en matière fiscale. Quoi qu'il en soit, les révélations effectuées jeudi par la presse internationale risquent de porter «un coup dur au private banking européen», estiment plusieurs experts financiers. Des conséquences pour les différentes places financières, dont celle du Luxembourg. Le ministère des Finances, contacté par L'essentiel Online, n'a pas encore souhaité s'exprimer sur ces nouvelles révélations.
(sb et jmh/L'essentiel Online)
Prise de position de Bruxelles
Interrogé au cours d'un point de presse sur la liste de personnalités actionnaires de sociétés dans des paradis fiscaux, publiée jeudi, le porte-parole de la Commission européenne, Olivier Bailly, a refusé de la commenter. Mais, a-t-il rappelé, la Commission «a une position très ferme sur la fraude fiscale en générale" et a proposé en décembre dernier des mesures qui "sont encore en attente d'accord de la part des États membres» de l'UE. Le but est de «limiter le coût de l'évasion fiscale en Europe, que nous évaluons à plus de 1 000 milliards d'euros par an», a-t-il expliqué.
À la question de savoir si le Luxembourg est un paradis fiscal, M. Bailly n'a pas directement répondu, rappelant que des règles «très claires» s'appliquaient à «tous les États membres» de l'UE en matière de transmission d'informations sur les contenus des comptes bancaires. «Nous sommes plutôt en train d'essayer d'avoir une définition des pratiques qui seraient illégales, plutôt que d'un terme qui cristallise», comme celui de paradis fiscal, a-t-il ajouté.