Bande dessinéeManara et Le Caravage devaient se rencontrer
Michelangelo Merisi et Milo Manara ont tant de choses en commun. Le sulfureux Caravage est le sujet d'un diptyque.

Michelangelo Merisi et Milo Manara étaient faits pour se rencontrer.
Automne 1592. Michelangelo Merisi da Caravaggio dit «Le Caravage» débarque à Rome, toiles et pinceaux sous les bras. Il vient puiser son inspiration dans l'âme de la Cité éternelle et va rencontrer des personnages hauts en couleur. Rapidement admiré pour son talent incroyable, ses partis pris artistiques cristallisent les critiques, surtout quand il prend pour modèle de sa «Mort de la Vierge» une... prostituée. «Le Caravage est un vrai personnage de bande dessinée, dans sa vie comme dans sa mort. Sa vie aventureuse, picaresque, son caractère impétueux, rebelle, son audace éhontée et transgressive, tout se prêtait à une histoire en BD», explique Milo Manara.
Ayant les mêmes initiales, la même fascination pour la création artistique et la beauté des femmes, Michelangelo Merisi et Milo Manara étaient faits pour se rencontrer. «Enfant, je suis allé un jour au village du Caravage, où je me suis blessé la jambe avec une pierre. Une blessure dont je garde encore la cicatrice», dit le maestro Manara. Marqué par le peintre italien du Cinquecento, il lui doit aussi un 9/10 à son examen d'histoire de l'art. «Le professeur m'avait demandé de décrire l'image de la "Canestra di frutta" du Caravage, que j'ai toujours considéré dès lors comme mon saint protecteur».
Personnage passionnant et romanesque, Le Caravage a laissé une œuvre gigantesque, avec ses peintures aux personnages de chair et d'os, avec leurs défauts, leurs tragiques faiblesses, voire leur saleté. «Après lui, la peinture a changé comme on le voit chez Rembrandt, Velázquez, de La Tour, d'autres géants». Pour son diptyque, Milo Manara est resté le plus proche possible de la palette du Caravage dans la gamme des couleurs. «Dans sa période "mature", il utilisait très peu de couleurs. J'étais constamment à la recherche de l'atmosphère de ses œuvres».
Chef de file mondial de la bande dessinée à caractère érotique, illustrateur de génie, Milo Manara laisse quelque peu la sensualité et la sexualité de côté dans son hommage au Caravage. «Il est clair qu'il y a une différence avec mes autres œuvres. Je pense que la charge érotique du Caravage, certainement intense et puissante, s'exprimait davantage dans sa peinture que dans ses rapports personnels».
«Le Caravage T. 1/2 - La palette et l'épée». Milo Manara. Glénat.
(Denis Berche)