La Grande-Duchesse en interview: Maria Teresa: «J'ai aussi ma liberté d'expression»

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La Grande-Duchesse en interviewMaria Teresa: «J'ai aussi ma liberté d'expression»

LUXEMBOURG – Trois ans après le lancement de son association Stand Speak Rise Up!, la Grande-Duchesse Maria Teresa est plus que jamais engagée pour soutenir la cause des femmes. Rencontre.

Thomas Holzer
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Thomas Holzer
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La Grande-Duchesse Maria Teresa a reçu «L'essentiel» au château de Colmar-Berg.

La Grande-Duchesse Maria Teresa a reçu «L'essentiel» au château de Colmar-Berg.

Vincent Lescaut

Vincent Lescaut

Vincent Lescaut

L'essentiel: Le 15 octobre, une soirée de gala au profit de votre association Stand Speak Rise Up! aura lieu à Biarritz…

La Grande-Duchesse Maria Teresa: Je ne pouvais pas laisser tomber ces femmes victimes de violences sexuelles dans les conflits. Biarritz est un premier rendez-vous où nous allons demander aux donateurs de soutenir quatre projets précis. Depuis trois ans, je me suis entourée d'une petite équipe de quatre femmes qui réalisent un travail titanesque. Nous avons tout organisé nous-mêmes afin de garder tout l'argent pour les projets.

La récolte de fonds est-elle compliquée?

Oui, car il y a beaucoup de causes et de besoins. Mais je prends mon bâton de pèlerin en présentant le parcours des survivantes. J'ai la chance d'avoir beaucoup de soutien, au Grand-Duché mais également en France. Mon fils Félix sera notamment présent à la soirée. C'est une association luxembourgeoise, cela me tient très à cœur. J'emporte le Luxembourg avec moi.

Avec la nécessité de dépasser les frontières…

C'est indispensable. Cette association est encore un bébé, elle doit grandir pour aider ces femmes. L'objectif est d'organiser d'autres événements en Europe. Le titre que j'ai reçu des Nations unies (NDLR: La Grande-Duchesse a reçu le titre de «championne de la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits») m'honore et m'aide à donner de la visibilité. La présence de personnalités comme le Dr Denis Mukwege (prix Nobel de la paix en 2018) au sein du Conseil d'administration est aussi une responsabilité.

Vincent Lescaut

Quels sont les enjeux pour l'association?

Le premier est le plaidoyer pour faire avancer la cause. Cela mène à des résultats concrets. Cette année, les enfants nés du viol en Bosnie-Herzégovine ont été reconnus comme victimes civiles de la guerre. C'est la conséquence du forum de 2019, durant lequel les survivantes ont alerté sur ce sujet.

Et les objectifs à terme?

Que les mentalités changent et qu'il n'y ait plus ces actes horribles à l'encontre des femmes, et des garçons aussi. Un grand chemin a été effectué en quelques années. Il n'y a plus de tabou, même dans les pays les plus concernés. La honte n'est plus du côté des femmes, mais du côté des bourreaux. Je ne dis pas qu'on va résoudre tous les problèmes, mais nous devons arriver à éduquer les enfants dans la «masculinité positive» et dans le respect de l'égalité.

Une transformation qui concerne aussi nos sociétés…

Les deux sont liés. Les violences sexuelles existent aussi dans nos sociétés privilégiées. Mon combat à l'international est le même que celui que je mène à Luxembourg (…) Si je salue la prise de conscience? Et comment! Nous sommes en train de voir qu'il y a un véritable réveil, par rapport à l'inceste également. Quand on voit les chiffres, c'est effrayant (…) Et puis, nous avons tous été en état de choc lorsque nous avons su que des femmes étaient violées et tuées à quelques heures de vol de chez nous, en Ukraine. Je crois aussi qu'il ne faut pas oublier les autres parties du monde qui sont en grande souffrance.

Vous et le Grand-Duc avez d'ailleurs témoigné de votre soutien à l'Ukraine…

Il est indispensable. Nous étions présents à l'arrivée des premiers réfugiés et un projet en soutien aux femmes ukrainiennes sera présenté durant la soirée du 15 octobre. Le devoir de réserve? Tout se fait en concertation avec le gouvernement. De mon côté, il a été défini que mes activités humanitaires étaient de l'ordre du privé (NDRL: le rapport Waringo sur le fonctionnement de la Cour grand-ducale estime que «la Constitution ne prévoit pas de fonctions officielles pour l’épouse du Grand-Duc»). En même temps, j'ai une liberté d'expression. Le politique s'arrête là où commence l'humanitaire. Trouver l'équilibre n'est pas difficile lorsqu'il est question de la dignité des êtres humains.

«La porte-parole de ceux qu'on ne veut pas écouter»

La Grande-Duchesse Maria Teresa

Quel est votre regard sur les manifestations féministes en Iran?

On ne peut qu'être révolté contre la mort de ces magnifiques jeunes femmes. Tout ça parce qu'elles ne se sont pas couvert les cheveux? Je pense également à l'Afghanistan, où certaines femmes ne peuvent plus travailler, où les écoles pour petites filles sont à l'arrêt, où des enfants sont vendus pour se marier avec des talibans. N'est-ce pas un viol qui ne dit pas son nom?

Les grandes figures féminines peuvent-elles servir d'exemple?

Si elles peuvent le faire, c'est magnifique, mais il faut respecter les sensibilités de chacun. Les thèmes que j'aborde sont difficiles et douloureux. En plus d'assister mon mari, je veux être la porte-parole de ceux qu'on ne veut pas écouter.

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