Mesure exceptionnelleDes stations-services en France vont vendre le carburant «à perte»
Les distributeurs français de carburant vont être autorisés à vendre «à perte» pendant quelques mois. Une mesure exceptionnelle et aux effets incertains.

La Première ministre française, Elisabeth Borne, a annoncé au Parisien Dimanche que les distributeurs allaient être autorisés à vendre des carburants «à perte» pendant quelques mois. Une mesure exceptionnelle et aux effets incertains, qui lève un tabou vieux de 60 ans.
Que dit la loi aujourd'hui?
La revente à perte est interdite en France depuis 1963. Les commerçants ne peuvent «revendre ou annoncer la revente d'un produit en l'état au-dessous de son prix d'achat effectif», explique sur son site la Répression des fraudes (DGCCRF).
En 2018, le troisième distributeur alimentaire français, Intermarché, avait ainsi été contraint de verser une amende transactionnelle de 375 000 euros - montant maximal encouru pour revente à perte - pour avoir commercialisé du Nutella à prix très cassé. L'opération promotionnelle avait entraîné des scènes de bousculades et de bagarres qui avaient marqué les esprits.
Pourquoi une telle interdiction?
À l'origine, l'interdiction devait protéger les professionnels plus fragiles de toute menace de «dumping»: le risque était que les commerces plus gros et solides soutiennent des pertes le temps que leurs concurrents plus fragiles, éreintés par les prix cassés, disparaissent, leur laissant ensuite le champ libre pour pratiquer les politiques tarifaires de leur choix.
En 2012, Emmanuel Combe, qui était alors vice-président de l'Autorité française de la concurrence, expliquait aussi sur le site Atlantico que la revente à perte pouvait n'être qu'une baisse «en trompe l'œil», le commerçant compensant la vente à perte sur un produit en augmentant sa marge sur d'autres. Le bénéfice de l'opération pour le consommateur serait ainsi annulé.

Quelle conséquence pour les petits?
Celui qui est aujourd'hui professeur des Universités à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, professeur affilié à Skema Business School et consultant pour l'agence de communication Image 7, estimait néanmoins que ces écueils étaient «assez peu pertinents» concernant le carburant, notamment parce que la plupart des stations-services indépendantes ont disparu.
Francis Pousse, président du syndicat professionnel Mobilians représentant 5 800 stations-services hors grandes surfaces, a toutefois fait part de son indignation, en réagissant à l'annonce d'Élisabeth Borne. «Mes adhérents vivent à 40, 50%, voire plus, de la vente du carburant, donc s'ils vendent à perte, je leur donne trois mois».
De nombreux distributeurs ont procédé ces derniers mois à des opérations de vente de carburant à prix coûtant. Mais le secteur fait généralement de l'essence et du gazole un produit d'appel, ne prenant sur leur distribution que de faibles marges. Dans ce contexte, le prix coûtant ne fait baisser que faiblement le prix facturé au client en bout de chaîne.