Paulette Lenert: «40 heures de travail par semaine, c'est trop»

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Paulette Lenert«40 heures de travail par semaine, c'est trop»

LUXEMBOURG – Tête de liste socialiste pour les élections législatives, l'actuelle vice-Première ministre Paulette Lenert assume ses ambitions et affirme la volonté de son parti: réduire le temps de travail pour un meilleur équilibre de vie.

Thomas Holzer
Vanessa Strauch
par
Thomas Holzer
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Vanessa Strauch
Tête de liste du LSAP aux prochaines législatives, Paulette Lenert a répondu aux questions de L'essentiel.

Tête de liste du LSAP aux prochaines législatives, Paulette Lenert a répondu aux questions de L'essentiel.

Vincent Lescaut

L'essentiel: Vous imaginez-vous Première ministre dans deux mois?

Paulette Lenert, tête de liste nationale LSAP: Oui cela devient de plus en plus tangible. Devenir potentiellement la première femme cheffe de gouvernement du Grand-Duché? Ce serait une grande responsabilité, un nouveau métier auquel il faudra se préparer.

Votre ascension a été fulgurante…

Elle a été due à des circonstances particulières. À choisir, j'aurais préféré qu'elle n'existe pas si cela avait signifié l'absence de pandémie. Mais j'éprouve une certaine fierté, surtout en tant que nouvelle venue en politique. Il a fallu prendre des décisions très rapidement, dans un contexte flou avec beaucoup d'inquiétudes. Je suis fière d'avoir «survécu» à ça.

Vous attendiez-vous à devenir la personnalité politique préférée des Luxembourgeois?

Non pas du tout, car ce sont des dossiers difficiles, qui ont entraîné beaucoup de souffrance. Le «black-out» que j'ai connu? Ça n'a jamais été compliqué d'en parler. La charge de travail était importante. Je ne suis pas la seule personne à avoir connu des expériences de surmenage.

Votre désignation s'est faite naturellement. Comment avez-vous fédéré le LSAP?

Les sondages étaient en ma faveur, donc le parti m'a demandé. Rien n'était prévu, il m'a fallu un temps de réflexion, de l'introspection aussi. Mais je me suis sentie acceptée, largement, sans difficulté. En tout cas, je n'ai pas ressenti de jalousie. À voir ce que l'avenir me réserve, mais cela ne me préoccupe pas…

Le parti avait-il besoin de se renouveler?

Besoin de renouveau certainement. Mais je pense que les crises donnent un autre aperçu du socialisme. Il y a un grand besoin de cohésion sociale. Les ministres socialistes ont été exposés oui, mais c'était également des peaux de banane tous les jours. C'est à double tranchant.

L'essentiel/Frédéric Lambert/Vincent Lescaut

Comment avez-vous vécu les propos violents et menaces de mort qui vous ont visée?

Dans le feu de l'action. C'était difficile, lourd, surréaliste même. Le plus compliqué reste qu'elles concernaient aussi mes enfants. Là je vous assure qu'on a l'estomac noué (temps de silence) Je ne sais pas si c'est digéré. Après la pandémie, il y a eu d'autres dossiers en souffrance. Et maintenant, c'est l'heure de la campagne. Je ne suis pas quelqu'un qui rumine beaucoup.

Nous n'avons pas l'habitude de ça au Luxembourg…

Non, mais il ne faut pas oublier que les décisions étaient fortes et qu'elles allaient forcément générer des extrêmes. La situation était inimaginable. Je m'attendais à ces réactions, mais nous avons tout de même réussi à contenir les mouvements de violence.

Quelle est la proposition phare du LSAP pour ces législatives?

Agir sur le logement en tant que conséquence des inégalités sociales. Depuis les années 90, elles grandissent. On doit freiner cette tendance et même l'inverser, car nous approchons d'un point critique. Le Luxembourg a toujours été une terre d'accueil, nous ne connaissons pas les HLM, les quartiers à l'écart. Je ne veux pas qu'on aboutisse à cela. Vivre là où on travaille est une liberté fondamentale.

Via quel levier comptez-vous agir?

Le gouvernement a travaillé et agi. Mais il est vrai que l'offre publique en matière de location est insuffisante, contrairement au modèle autrichien par exemple. Nous pouvons donner des orientations, assurer une certaine mixité et garantir des loyers raisonnables.

L'autre sujet important, c'est la réduction du temps de travail…

Oui, nous proposons le passage aux 38 heures par semaine. La façon dont on travaille a changé et va encore changer avec les nouvelles technologies, l'IA, la robotique. Sans oublier les attentes en termes d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et de télétravail. Il faut repenser le travail entièrement, pour que le salarié profite aussi de ces avancées. Sinon, il y aura des frustrations (…) C'est aussi un facteur d'attractivité pour le pays. Je me suis beaucoup inspirée des modèles scandinaves, et ça marche très bien. C'est du gagnant-gagnant pour l'entreprise et le salarié, sans perte d'efficacité.

40 heures par semaine, c'est trop?

À mon avis oui, c'est trop. L'absentéisme augmente, le surmenage aussi. Que tous les acteurs se mettent autour d'une table pour avancer dans la bonne direction (…) Je travaille beaucoup, donc je sais de quoi je parle. Mes filles sont adultes, donc je n'ai plus de charge familiale. J'imagine les difficultés pour une mère ou un père de famille…

À quel point le sujet sera-t-il important dans des discussions de coalition?

Pour nous, il est essentiel que cela évolue. Le statu quo est inimaginable. Tout est ouvert, mais pour le LSAP il est très important que le Luxembourg demeure un pays innovateur au niveau social.

Vous imaginez-vous à la tête de la coalition actuelle?

C'est aux électeurs de décider. Je me sens très bien dans cette équipe. Ce n'était pas toujours facile, mais je n'ai aucune raison de la dénigrer. Être à trois permet de confronter différents points de vue. Mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas ouverts à travailler avec une autre équipe…

Comment ont évolué vos relations avec Xavier Bettel?

Il est mon concurrent, mais cela n'a pas altéré nos relations. Le travail continue, nous ne sommes pas qu'en campagne (…) Il est très à l'aise sur le plan international, c'est quelqu'un d'extraverti, ce qui est un avantage à ce niveau.

Comment observez-vous le retour de Luc Frieden comme leader du CSV?

Pour moi, c'était inattendu. Il avait été clair au moment de faire ses adieux à la politique nationale. Visiblement, les sondages semblent leur donner raison. Un grand nombre d'électeurs le connaissent. C'est une valeur sûre, de leur point de vue, même si un nouveau visage aurait pu fonctionner aussi…

Le CSV a été très offensif avec vous…

C'était systématique. Quoi que je fasse, ce n'était jamais la bonne décision. La pandémie est passée, maintenant ce sont les réformes structurelles. Mais nos difficultés sont aussi liées à notre démographie, et au vieillissement de la population. Les infrastructures n'ont pas forcément suivi. On ne construit pas un hôpital du jour au lendemain.

Le Luxembourg doit rester ouvert…

Absolument, c'est une force d'être un médiateur, de donner l'exemple. Je nous considère souvent comme un laboratoire.

Craignez-vous une montée de l'extrême droite?

Oui. En temps de crise, c'est facile de semer la zizanie. Rallier les mécontents est malheureusement un terrain propice.

Qu'associez-vous à la Moselle? Votre domicile?

Le loisir! Depuis que j'y habite, c'est un endroit qui me permet de me ressourcer et de décompresser facilement. J'aime la nature, les vignes, l'eau. J'aime le vin luxembourgeois, mais aussi français. Le vin sans alcool est une niche sous-exploitée à mon sens.

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