«Permettre aux jeunes de vivre de leur art»

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«Permettre aux jeunes de vivre de leur art»

LUXEMBOURG - Octavie Modert décrypte les orientations de la
politique culturelle du nouveau gouvernement.

L'essentiel: Quels seront les axes de la politique culturelle dans les cinq ans?

Octavie Modert (ministre de la Culture): Nous devrions accentuer la demande. Nous avons déjà agi sur l'offre, il est temps de faciliter et développer la demande. Cela peut se faire sur de nombreux créneaux. Nous en avons développé un certain nombre au sein du programme gouvernemental. Pour que les établissements culturels ne soient pas mis sur pied juste pour être là, sans visiteurs.

Ils ne sont pas assez?

Si nous faisons la comparaison avec l'étranger, nous sommes très bien lotis, en termes de visiteurs. Le Mudam a accueilli autour de 80 000 personnes la saison passée.

Que faire pour la demande?

La collaboration avec le ministère de l'Éducation nationale a toujours été très bonne, pour faire entrer l'art dans les écoles. Nous voulons emmener la culture vers les gens, à travers les maisons relais, les foyers, les maisons de retraite, etc. De nombreux projets sont possibles. La culture doit être transversale et ne pas rester confinée dans ses «temples» mais aller chez les autres. Il y a tout un programme à mettre en place.

Et pour les artistes...

Nous voulons permettre aux jeunes d'envisager de vivre de leur art. J'ai eu à cœur de faciliter une meilleure commande de leurs œuvres. La création d'un bureau des commandes et de la promotion de l'art serait quelque chose d'important, en mettant en rapport des acheteurs de culture et de jeunes créateurs pas encore implantés.

Comment rendre la culture plus accessible aux jeunes?

Il faut s'orienter vers les jeunes qui ont une tendance à être bien orientés vers certains domaines de la culture, et connaissent très peu les autres. Nous pourrions mettre en place une carte d'accès réduit, ou gratuit, en plus des passeports culture qui pour l'instant s'adressent à différentes cibles et qui peuvent se recouper. La plupart des musées le font déjà mais nous devons nous orienter vers des solutions pour les personnes défavorisées, ou qui ont du mal à se déplacer. L'offre culturelle qui existe n'exclut pas une offre encore plus accessible et abordable.

Quand est-ce que le musée des Trois Glands pourra ouvrir?

Je dois attendre une nouvelle loi d'autorisation, qui a déjà été déposée, avant de procéder à de nouvelles dépenses. En attendant, je ne peux absolument rien faire. Je regrette que ce dossier soit aussi long, il a pris un tour parfois surprenant au niveau administratif.

Le budget de votre ministère souffre-t-il de la crise financière et des restrictions budgétaires qui en découlent?

Pourquoi la culture courrait-elle ce risque? Ces quinze ou vingt dernières années, le budget de la culture est un de ceux qui a le plus augmenté. Il ne nous est pas demandé de faire plus d'économies qu'à d'autres et le budget n'est pas diminué pour le moment. Évidemment, il faut avoir conscience, s'il y a coupe budgétaire, que des gens vivent des dotations de l'État et qu'il faut faire attention. Mais s'il faut faire un effort, la culture va aussi y mettre du sien, comme les autres.

Comment encourager la contre-culture, sans l'institutionnaliser?

Contre-culture: Il n'y a pas lieu de faire une distinction entre culture et contre-culture. La créativité est l'essence même de la culture. Ce qui nous importe, c'est la qualité. Que ce soit de la contre-culture, de la culture alternative ou émergente, la culture change. La contre-culture peut devenir du jour au lendemain la culture «normale». Je suis évidemment ouvert à ces courants, certaines institutions mettent à leur disposition une tribune et un budget pour leur permettre d'exister, sans les institutionnaliser. Cela n'enlève rien à leur indépendance, les artistes restent libres. La politique culturelle ne doit pas s'immiscer dans la créativité. Nous avons déjà soutenu ce type de projet, je ne peux qu'encourager ces artistes à faire des demandes pour de nouveaux projets. Nous avons déjà subventionné du hip-hop, des graffitis, certaines publications... Mais ils ont parfois tendance à craindre qu'on ne les prenne pas au sérieux et à croire qu'ils ne sont pas à leur place. Mais ils sont à leur place.

Et comment développer l'offre en matière de salle de répétition pour les jeunes groupes, par exemple?

J'en appelle à une synergie entre le ministère et les communes, qui savent quels endroits peuvent être mis à disposition, et à quel moment. Pour la musique, il ne faut pas forcément quelque chose de très sophistiqué, un garage retapé suffit parfois. Nous avons déjà travaillé avec le Service national de la jeunesse (SNJ), comme à la KuFa. Il faut aller vers une offre plus large et décentralisée. Idem pour les ateliers pour les jeunes peintres. Fédérer, mettre en réseau sont les maîtres mots de mon travail. J'ai été très étonnée il y a cinq ans en voyant que beaucoup d'acteurs culturels dans un même domaine ne se connaissent pas.

Recueilli par Jérôme Wiss

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