Procès des attentats du 13 novembrePerpétuité incompressible requise contre Salah Abdeslam, peine rarissime
La réclusion criminelle à perpétuité incompressible ou «perpétuité réelle», sanction rarissime, a été requise vendredi à Paris au procès des attentats du 13-Novembre 2015 à l'encontre de Salah Abdeslam.

La réclusion criminelle à perpétuité incompressible ou «perpétuité réelle», requise vendredi à Paris au procès des attentats du 13-Novembre à l'encontre de Salah Abdeslam, est la plus lourde du code pénal. Le parquet national antiterroriste (Pnat) a réclamé cette sanction rarissime pour le seul membre encore en vie des commandos du 13 novembre 2015, estimant que cet «acteur-clé» était «resté fidèle jusqu'au bout à son idéologie» et n'avait jamais exprimé «le moindre remords». La cour d'assises spéciale, uniquement composée de magistrats professionnels, n'est pas tenue de suivre ces réquisitions. Si elle prononce une période de sûreté illimitée, elle doit spécialement motiver sa décision.
Cette «perpétuité réelle» rend impossible de demander un aménagement de peine. Le condamné à cette peine peut toutefois, au bout de trente ans passés en prison, demander au tribunal de l'application des peines de revenir sur cette impossibilité. Le tribunal ne peut réduire la durée de la période de sûreté qu'à certaines conditions, et après avis d'une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation chargée de déterminer s'il y a lieu de mettre fin à l'application de la décision de la cour d'assises.
Instaurée en 1994 et prononcée à quatre reprises
Pour pouvoir bénéficier d'un relèvement de sa période de sûreté illimitée, le condamné doit manifester des gages sérieux de réadaptation sociale. Le tribunal s'assure également que sa décision n'est pas susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public et recueille en amont l'avis des victimes. Il se prononce après l'expertise d'un collège de trois experts médicaux qui évaluent l'état de dangerosité du condamné.
La «perpétuité réelle» a été instaurée en 1994 sous l'impulsion du ministre de la Justice Pierre Méhaignerie, marqué par le viol et le meurtre d'une fillette par un homme déjà condamné pour des crimes sexuels. Elle n'a été prononcée qu'à quatre reprises: contre Pierre Bodein dit «Pierrot le fou» en 2007, Michel Fourniret - depuis décédé en prison - en 2008, Nicolas Blondiau en 2013 et Yannick Luende Bothelo en 2016, à chaque fois pour des meurtres d'enfants accompagnés de viols ou tortures.
D'abord prévue pour ces crimes uniquement, la perpétuité incompressible a été étendue en 2011 aux meurtres ou tentatives de meurtres sur personnes dépositaires de l'autorité publique (forces de l'ordre, magistrats, surveillants de prison).
Procès depuis septembre
Onze des 20 accusés au procès des attentats du 13-Novembre - dont six sont jugés par défaut - ont été renvoyés pour complicité de tentatives de meurtres en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste sur les policiers de la BRI intervenus au Bataclan, et encourent donc la perpétuité incompressible. Après la série d'attentats ayant ensanglanté la France en 2015, la perpétuité «réelle» a été élargie aux crimes terroristes en juin 2016, mais cette loi n'est pas rétroactive.
Les peines, allant de 5 ans d'emprisonnement à la perpétuité incompressible, ont été requises vendredi par le parquet national antiterroriste (Pnat) à l'encontre des 20 accusés jugés depuis septembre, à Paris, au procès des attentats du 13-Novembre 2015.