Origine du coronavirus«Personne ne se fâcherait si c'était un accident»
En pleine polémique sur l'origine du nouveau coronavirus, un épidémiologiste américain appelle Pékin à plus de «transparence» et à autoriser une enquête internationale pour éviter toute suspicion.

Larry Brilliant soutient l'«hypothèse raisonnable selon laquelle le virus était déjà en train de se propager en Chine en novembre ou même avant».
Accident ou fuite de laboratoire, bioterrorisme, les hypothèses sur l'origine du SRAS-CoV-2, virus à l'origine de la maladie Covid-19 qui a fait près de 300 000 morts en près de cinq mois dans le monde, se multiplient. «Nous devrions être autorisés, et les scientifiques chinois devraient être autorisés à étudier l'origine de la maladie», assure le célèbre épidémiologiste américain Larry Brilliant, qui, il y a quelques années, a été l'un des conseillers techniques des réalisateurs du long métrage de fiction «Contagion». «Je dirais à mes amis chinois qu'il est dans leur intérêt de découvrir où se trouvaient les premiers cas, et d'être radicalement transparents», souligne-t-il, lors d'un entretien à l'AFP.
Le consensus de la communauté scientifique est que le virus n'a pas été créé par l'homme, mais certains appellent à faire la lumière sur son origine et sur sa transmission à l'homme. Les États-Unis et l'Australie réclament une enquête internationale, mais Pékin s'y oppose, malgré les appels du pied de l'Organisation mondiale de la santé.
Les soupçons de Washington se portent de plus en plus sur un éventuel accident de laboratoire à l'Institut de virologie chinois de Wuhan, qui aurait permis à un coronavirus d'origine naturelle de contaminer des humains.
«Personne ne se fâcherait s'il s'agissait d'un accident» ou s'il était avéré que le virus circulait depuis plusieurs mois dans le reste de la Chine, avant qu'il ne soit signalé en décembre à Wuhan, juge Larry Brilliant, crédité d'un rôle majeur dans l'action menée par l'OMS pour éradiquer la variole.
L'expert, qui a dirigé pendant des années l'organisme chapeautant les activités caritatives de Google, pointe en revanche le comportement «suspect» de Pékin, l'invitant à faire taire les «rumeurs» en faisant toute la lumière, dès à présent.
Mais la Chine, qui dément avoir caché des informations, s'est pour l'instant contentée de soutenir la création d'une commission sous l'égide de l'OMS, afin d'évaluer «la réponse mondiale» au Covid-19, et uniquement «après la fin de l'épidémie».
Pas une arme biologique
Pour M. Brilliant, le génome du nouveau coronavirus – à 95% identique à celui du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV1) de 2003 – permet d'écarter l'hypothèse d'une «arme biologique». «S'il s'agissait d'une arme biologique, il y aurait eu beaucoup plus de différences, et il aurait été facile de voir ces différences comme ayant été conçues», détaille-t-il. L’épidémiologiste soutient en revanche l'«hypothèse raisonnable selon laquelle le virus était déjà en train de se propager en Chine en novembre ou même avant, passant d'homme à homme».
Pour que l'épidémie prenne de telles proportions dès le début de 2020, «soit il y a eu un très grand événement à Wuhan», fin 2019, permettant une circulation rapide à grande échelle, «soit le virus circulait en Chine avant cela». Cette dernière hypothèse permettrait d'expliquer l'évolution mineure du SRAS-CoV-1 vers le SRAS-CoV-2: «Quand le virus passe d'un humain à l'autre, il y a à chaque fois une mutation mineure ou un changement génétique qui se produit», a expliqué M. Brilliant.
Mais «nous ne pouvons pas prouver cette hypothèse en raison du terrible comportement du gouvernement chinois (...) qui agit de manière suspecte et erronée» en interdisant «aux chercheurs chinois de publier ou même de faire leurs recherches sur l'origine». «C'est ce qui suscite des soupçons».
Alors que certains pays sortent du confinement, le spectre d'une nouvelle vague est omniprésent.
La ville de chinoise de Wuhan est venue le rappeler, avec un nouveau cas, dimanche, après plus d'un mois de répit, à la suite d'un confinement draconien.
Pour Larry Brilliant, dès le début les pays auraient dû opter pour le dépistage de tous les cas, et placer les cas et leurs contacts en quarantaine stricte, comme le recommande l'OMS. Mais de nombreux pays ont «abandonné le plan A en raison d'un mauvais leadership. Maintenant, nous en sommes au plan Z».
Alors que plusieurs pays ont fait valoir la pénurie de tests, l'expert, qui a travaillé avec tous les patrons de l'OMS depuis les années 1970, s'insurge: «C'est irresponsable. Fabriquer des tests n'est pas si difficile (quand) nous pouvons envoyer des hommes sur la Lune»!
(L'essentiel/afp)