En IndePilote de ligne, Zoya Agarwal veut «donner des ailes» aux femmes
La commandante de bord d'Air India Zoya Agarwal, issue d'une modeste famille de Delhi qui s'opposait à son projet de devenir pilote, s'est «accrochée à son rêve».
Au début des années 2000, «quand j'ai débuté, je faisais partie d'une petite poignée de femmes pilotes», déclare à l'AFP la commandante de bord, aux longs ongles multicolores, comptant plus de 10 000 heures de vol à son actif. «12,4% des pilotes en Inde sont des femmes, c'est le plus fort taux au monde», poursuit-elle, «pourtant, je ne serai pas satisfaite tant que ce pourcentage n'aura pas atteint 50%».
À peine 5,8% des pilotes professionnels dans le monde sont des femmes, selon l'étude de la Société internationale des femmes pilotes publiée l'an dernier. «C'est un travail basé sur les compétences», fait-elle valoir, «dès que j'entre dans le cockpit, il n'y a plus ni homme ni femme. Je suis pilote, c'est tout». «C'est en tant que tel que je suis respectée et respecte mes compagnons d'aviation», ajoute-t-elle, ajustant ses galons sur sa chemise blanche, après s'être fardée.
«Je suis née à une époque où l'on attendait des filles en Inde qu'elles se marient»
Le 10 janvier 2021, avec un équipage entièrement féminin, elle a piloté le plus long vol commercial sans escale (plus de 17 heures), jamais réalisé par une compagnie indienne. Ce vol inaugurait la route d'Air India reliant San Francisco à Bangalore, en passant par le Pôle Nord. Peu après, l'agence des Nations unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, a fait de Zoya Agarwal une de ses porte-flambeaux.
Ayant grandi dans une humble famille de Delhi, «très, très conservatrice», elle a aussitôt pris ce rôle à cœur. «Je veux aider les femmes à s'émanciper, leur donner des ailes», assure la pilote. «Je suis née à une époque où l'on attendait des filles en Inde qu'elles se marient, qu'elles aient des enfants et qu'elles s'occupent de leur famille», raconte-t-elle. Mais il était hors de question pour elle de se plier à ce modèle.
«Ma mère a pleuré»
«À 8 ans, j'allais m'asseoir sur la terrasse (...) et regardais le ciel en me demandant comment toucher toutes ces étoiles», dit-elle, quelques heures avant de décoller pour New York. «J'ai toujours voulu déployer mes ailes et m'envoler». Qu'une fille puisse avoir une «pensée aussi folle» était inadmissible. «Ma mère a pleuré la première fois que je lui ai dit que je voulais devenir pilote, en se lamentant: ''Pourquoi Dieu nous a-t-il donné une fille dysfonctionnelle?''», poursuit-elle. Ses parents espéraient simplement la «marier à un garçon convenable».
Elle travaillait d'arrachepied, toujours en tête de classe. Elle a étudié, souvent en pleine rue, à la lumière des réverbères. «À la nuit tombée, nous n'avions pas d'électricité». Son père, tout de même épaté, l'a autorisée à poursuivre ses études universitaires. «Ils pensaient que j'oublierais mon rêve. Et que je finirais probablement par faire autre chose».
Aux commandes du Boeing 777, son «premier amour»
Elle a décroché simultanément sa licence scientifique et son diplôme de cours théoriques d'aviation, payés avec ses économies accumulées depuis l'enfance. Restait la formation au pilotage, la plus coûteuse. Elle a eu besoin de l'aide de ses parents qui, à ce moment crucial, n'ont pas pu la lui refuser. En formation aux États-Unis en 2001, elle commençait à voler quand, se souvient-elle, les attentats du 11 septembre «ont changé l'aviation pour toujours».
«Je me suis toujours assurée de travailler deux fois plus dur», affirme-t-elle, «j'étais consciente d'ouvrir la voie aux femmes dans l'aviation indienne». En 2013, elle devint la plus jeune femme du monde à piloter un Boeing 777. «Le B777 était le plus gros avion de ligne du monde, le bimoteur commercial le plus puissant», s'enflamme-t-elle, «c'était un rêve de le piloter». La technologie a depuis progressé mais, confie-t-elle, «c'est mon premier amour».
Deux ans plus tard, «une sorte de révélation» la pousse à se faire tatouer «Born to fly» («née pour voler»), en lettres noires sur l'épaule droite: «J'étais enfin parvenue à ma vraie place». Mais la dame rêve encore, souhaitant un jour créer sa société de taxi aérien et «guider les femmes» dans le secteur de l'aviation, dit-elle, en «leur offrant de l'emploi et un meilleur accès à des positions élevées».