Manga: Plongée dans le Japon sombre et violent de l'après-guerre

Publié

MangaPlongée dans le Japon sombre et violent de l'après-guerre

MANGA – «Paraiso», de Suehiro Maruo, invite à regarder, à travers des yeux d'enfants, le Japon réduit en cendres à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.

par
Jérôme Wiss

1945. La Seconde Guerre mondiale vient de se terminer et un Japon abandonné des dieux se rend compte que son empereur n'en est pas un, de Dieu. Partout dans l'archipel, la guerre a laissé des tas de cendres, des villes en ruines. Tokyo a été détruite par les bombardiers U.S., Hiroshima et Nagasaki ont été rayées de la carte quand les Américains y ont lâché leur bombe atomique, pour y abréger le conflit avant que les Soviétiques ne s'en mêlent. Au passage, des dizaines de milliers de morts, au sol, sans distinction entre civils et militaires.

Dans les rues de ces villes d'apocalypse, on tente de survivre, entre pénuries, manque de logements, exactions diverses. C'est dans ce Japon tragique que nous emmène Suehiro Maruo dans «Paraiso», cinq histoires sombres mettant en scène des enfants, orphelins de la guerre. Certains sont abusés par des curés qui tentent de leur imposer une religion et des rapports sexuels pas très catholiques. D'autres essayent de survivre, à défaut de vivre, de petites rapines jusqu'à ce que la police leur tombe dessus à coups de matraque.

Ce «paradis» est en enfer

«Paraiso», c'est le paradis que le curé de la première histoire essaie d'inculquer à coups de triques aux enfants de son orphelinat de Tokyo. Petite fille sur les genoux, il raconte le martyre d'un adolescent japonais crucifié au XVIIe siècle pour ne pas avoir voulu renoncer à sa foi chrétienne, à Nagasaki. Mais, trois siècles plus tard, les martyrs, ce sont tous les Japonais qui subissent les conséquences des crimes de guerre de leurs généraux.

Maruo, explorateur des noirceurs de l'âme et chef de file de l'ero-guro, genre nippon mêlant l'érotique au grotesque et au macabre, se contente là du macabre. Il joue avec les religions, comme quand il détourne la Cène pour y représenter des affamés venus dévorer les réserves de l'orphelinat de Tokyo, et réalisme, dessinant de manière abrupte un Japon traumatisé, avec des visages déformés par le drame atomique. Le tout en faisant une incursion dans les cauchemars européens, aussi, la cinquième histoire du manga de plus de 180 pages se déroulant dans le camp de concentration nazi d'Auschwitz. En 1945, la mort et la désolation régnaient de l'Europe jusqu'au Japon. Il ne faut jamais l'oublier.

«Paraiso». Suehiro Maruo, Casterman. 18 euros.

Ton opinion

2 commentaires