Claque électorale – Pour Sarkozy, le goût terrible de la défaite

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Claque électoralePour Sarkozy, le goût terrible de la défaite

Tempérament de cogneur, énergie débordante mais parfois désordonnée, Nicolas Sarkozy a essuyé dimanche le plus terrible revers de ses 30 ans de carrière.

En 2007, place de la Concorde, Nicolas Sarkozy chantait «La Marseillaise» avec Mireille Mathieu. (AFP)

En 2007, place de la Concorde, Nicolas Sarkozy chantait «La Marseillaise» avec Mireille Mathieu. (AFP)

Président hyperactif, impopulaire comme jamais aucun autre avant lui, Nicolas Sarkozy avait mis dans la balance son bilan, qu'il juge satisfaisant à l'aune des crises à répétition. Il avait aussi prévenu les Français qu'en cas de défaite, il quitterait la politique. «Je ferai autre chose. Mais quoi, je ne sais pas». Coup de poker ou réaction affective par anticipation, il n'en a pas dit plus. Il est devenu ce dimanche soir le premier président français à ne pas obtenir un second mandat, depuis Valéry Giscard d'Estaing en 1981.

Sa défaite signe l'échec d'une stratégie de droitisation endossée avant même le 1er tour et le score historique (17,9%) réalisé par la candidate du Front national (FN, extrême droite) Marine Le Pen. Nicolas Sarkozy a fait campagne sur l'héritage chrétien de la France, la lutte contre l'immigration et la sécurité, après avoir suscité pendant son mandat un débat controversé sur l'islam et l'identité nationale. «Nous avons trop d'étrangers sur notre territoire», disait-il avant l'élection. La rhétorique, que certains disent «populiste», s'est encore durcie entre les deux tours. «Une course ventre à terre derrière les thèses du Front national», s'est indigné le leader centriste François Bayrou.

«Travailler plus pour gagner plus»

Lorsqu'il s'installe à l'Élysée en mai 2007, c'est avec l'ambition de transformer le pays en profondeur. Il voulait régénérer la politique française, réformer à tout-va un pays englué dans ses lourdeurs. Permettre de «travailler plus pour gagner plus», réduire de moitié le chômage. Il n'y est pas parvenu. Son activisme effréné et son style de gouvernement ont troublé les Français. Mais il laisse derrière lui des réformes importantes et difficiles, dont celle du système des retraites, l'autonomie des universités, le service minimum en cas de grève dans les transports.

Sarkozy, 57 ans, n'a pas le profil classique de l'homme politique français. Pas de scolarité dans la fameuse École nationale d'administration (ENA), mais un diplôme d'avocat et une ambition politique précoce et inoxydable. Sarkozy n'est pas non plus issu de la bourgeoisie française. Fils d'un immigré hongrois, il a été élevé par sa mère et son grand-père, un Grec de Salonique. «Je suis de sang mêlé (...), je viens d'ailleurs», revendique-t-il.

«Sarkozy était l'astre de la vie politique française»

Méthodiquement, il a franchi les obstacles: engagé dans le gaullisme à 19 ans, il est élu maire de la riche banlieue de Neuilly-sur-Seine à 28 ans, député à 34, ministre pour la première fois à 38, porté triomphalement à la présidence en 2007 contre la socialiste Ségolène Royal. Un homme «ne doutant de rien et surtout pas de lui-même», a dit Jacques Chirac, qui fut son premier mentor. La rupture fut conflictuelle avec l'ancien président, qui ne lui a jamais pardonné de l'avoir trahi en soutenant un autre candidat de droite, Edouard Balladur, à l'élection de 1995. Mais Nicolas Sarkozy s'est rendu incontournable à la droite. Ministre de l'Intérieur au début des années 2000, brièvement ministre de l'Économie, il construit sa conquête présidentielle et devient l'un des personnages clés de la scène politique.

Sa défaite pourrait signaler la fin d'une époque. «Depuis 2002, Nicolas Sarkozy était l'astre de la vie politique française», note Frédéric Dabi, de l'institut de sondages Ifop. Son image est celle du premier flic de France, ses idées sont franchement atlantistes en diplomatie, son inclinaison plutôt libérale en économie. Mais son mandat restera celui de la crise, qui l'obligera à composer, à s'adapter.

Le «couple» avec Merkel

Il est convaincu d'avoir pris les bonnes décisions pour protéger les Français, d'abord pour sauver les banques en 2008 puis au moment de la faillite grecque en 2011, au prix de concessions à son alliée, la chancelière allemande Angela Merkel. Elle l'a soutenu pour sa réélection. Les sommets européens d'urgence ont soudé leur «couple», malgré des caractères aux antipodes l'un de l'autre. Nicolas Sarkozy pense aussi avoir fait le bon choix en faisant intervenir l'armée française en Côte d'Ivoire, puis en Libye pour soutenir un printemps arabe dont il avait au départ sous-estimé l'importance.

Bref, un «président de crise» jamais aussi à l'aise que dans l'action, disent ses partisans. Mais avec ses discours décomplexés sur l'immigration, le mandat de Nicolas Sarkozy s'est achevé dans la controverse, comme il avait commencé. Il y a cinq ans, c'est son rapport aux puissants et à l'argent qui avait été en cause quand il fêtait sa victoire au Fouquet's, un établissement huppé des Champs-Élysées. Sa famille «explosait», s'est-il justifié. Sa deuxième épouse, Cécilia, était en train de le quitter.

Un divorce et un bébé

Nicolas Sarkozy est le premier président français à avoir divorcé en cours de mandat. Le premier aussi à s'être marié, en 2008 avec l'ex-top-modèle Carla Bruni, et à avoir eu une fille, Giulia, son quatrième enfant après trois garçons. Malgré les mea culpa, il a eu toutes les peines du monde à se défaire de cette image de «président des riches», accentuée par ses premières décisions fiscales.

Grâce à sa combativité, il pensait l'emporter encore il y a quelques jours. Petit, nerveux, affublé de tics et de mimiques, cet homme qui ne boit pas et fait du sport tous les jours, achevait tous ses meetings en nage, en lançant une ultime adresse à ses partisans. «Aidez-moi», leur disait-il.

(L'essentiel Online/AFP)

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