diplomatiePremier vol Moscou-Tbilissi en quatre ans
Le rétablissement des liaisons aériennes avec la Russie va contre les aspirations européennes de nombreux Géorgiens.
- par
- Jérôme Wiss

C’est la compagnie Azimuth Airlines qui assure le vol.
Le premier vol depuis quatre ans est parti vendredi de Moscou pour la Géorgie où l’opposition est vent debout contre le rétablissement des liaisons aériennes avec la Russie, perçu comme un danger pour les aspirations européennes de Tbilissi par de nombreux Géorgiens.
«Quand je vois mon pays glisser dans l’orbite russe, tout ce que je ressens, c’est de l’amertume et de la colère», lance un jeune étudiant en histoire, Lacha Sigoua. Le président russe Vladimir Poutine a pris la semaine dernière une décision surprise de rétablir les vols entre les deux pays, interdits en 2019 en réponse à des mouvements anti-Moscou en Géorgie. Vendredi matin, un vol direct opéré par une compagnie russe est parti pour Tbilissi de l’aéroport Vnoukovo de Moscou.
En réponse, l’opposition géorgienne a appelé à manifester à l’aéroport de la capitale. «Nous serons là, assure Lacha Sigoua, nous ne pouvons pas regarder indifféremment la Géorgie reprendre ses habitudes avec la Russie, alors qu’elle mène une guerre atroce contre l’Ukraine». Le pays entretient des relations compliquées avec son ancien suzerain à l’époque soviétique. Une guerre courte mais sanglante a notamment éclaté entre les deux voisins en 2008, sur fond de tensions liées à la volonté géorgienne de se rapprocher de l’Occident. À l’issue du conflit, Moscou a reconnu l’indépendance de deux territoires séparatistes du nord de la Géorgie et y a implanté des bases militaires.
«Trahison»
La reprise des vols, assortie d’une mesure permettant depuis le 15 mai aux Géorgiens de rester en Russie sans visa pour des séjours inférieurs à 90 jours - sauf séjours professionnels -, alimente là encore les divisions. Des centaines de citoyens mécontents sont déjà descendus dans la rue. «Le monde civilisé entier isole Poutine, mais le gouvernement géorgien est heureux de rouvrir des lignes aériennes avec la Russie», déplore Kote Ratiani, 19 ans, camarade de Lacha Sigoua. Elene Khochtaria, cheffe du parti d’opposition Droa à l’initiative des mobilisations, affirme que les manifestants feront usage de la force si nécessaire. «Nous ne les laisserons pas opérer en Géorgie», déclare-t-elle à l’AFP, estimant que le parti au pouvoir, Rêve Géorgien, est coupable de «trahison». La présidente du pays, la pro-UE Salomé Zourabichvili, a également critiqué cette «nouvelle provocation» russe, un an et trois mois après le début de l’invasion de l’Ukraine.
Pour l’analyste Guela Vassadze, Vladimir Poutine mène une «guerre hybride» en tentant de «miner les relations entre la Géorgie et l’Occident». À l’inverse de la présidente, le Premier ministre géorgien Irakli Garibachvili a salué la reprise des vols, tout en précisant que seuls les compagnies et appareils russes exempts de sanctions occidentales seraient autorisés à opérer en Géorgie. «Il n’est question que de relations économiques et commerciales», a-t-il voulu rassurer.
Les critiques, eux, estiment que le gouvernement met en péril l’adhésion de la Géorgie à l’UE en coopérant avec le Kremlin. Le petit pays ouvert sur la mer Noire a déposé une candidature conjointe avec l’Ukraine et la Moldavie, peu après le début de l’invasion russe en février 2022.