Au Luxembourg: Quand les taux d'intérêt brisent les rêves immobiliers

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Au LuxembourgQuand les taux d'intérêt brisent les rêves immobiliers

LUXEMBOURG – Les taux d'intérêt des crédits immobiliers ont explosé cette année. Avec un impact violent sur les projets d'achat d'appartement ou de maison.

Jérôme Wiss
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Jérôme Wiss

«À un ou deux mois près, des dossiers de gens qui avaient étudié leurs possibilités d'emprunt ne passent plus», souffle Julien Feld, manager team leader et agent immobilier agréé à kw Select. Depuis le début de l'année, les taux d'intérêt pour les emprunts immobiliers, historiquement bas, ont fortement augmenté, avec un impact direct sur les rêves de nouveau nid de nombreux résidents. «En début d'année, on avait des taux à 1,5/1,6%, là on est à 3,6/3,8%», précise Yann Gadéa, Head of Mortgage Brokers chez atHomeFinance.

Conséquence: «La capacité d'emprunt a baissé de 20%», poursuit Yann Gadéa. Yannis Erb, agent immobilier à New Immo, «un client qui avait une capacité d'achat de 1 million d'euros ne peut plus mettre que 800 000 euros». Ce qui pèse déjà lourd. Yann Gadéa calcule que quelqu'un qui contracterait un emprunt de 800 000 euros maintenant payerait des mensualités plus élevées de 800 euros que l'acheteur dont l'emprunt a été négocié à l'époque où les taux étaient au plus bas.

«Le rapport de force s'est inversé».

Julien Feld, agent immobilier

Avec des prêts aussi chers, les acheteurs potentiels ne se bousculent pas au portillon. «On a une demande qui représente 10% du niveau d'avant» les crises liées à l'Ukraine et à la hausse des taux, calcule Julien Feld. Pour Yann Gadéa, comme «une partie de la population n'est plus finançable, beaucoup de gens se sont retirés, attendent et restent en location». C'est notamment la cas des primo-accédant, sans apport.

Yannis Erb dit continuer à vendre «à des gens qui n'ont pas besoin de financement, ou à ceux qui ont un besoin urgent de se loger, après un divorce, un décès». Mais ces derniers, ceux qui ne peuvent repousser l'investissement ni rester en location, doivent «revoir leurs ambitions à la baisse», dit Julien Feld. Et donc accepter d'acquérir un logement qui sera, peut-être, un peu moins grand, ou un peu moins bien situé que prévu. «Ça prend du temps, psychologiquement, d'accepter ça», poursuit Julien Feld. qui évoque un processus similaire pour les vendeurs.

Des prix à la baisse

«Le rapport de force s'est inversé», dit-il. Avec une demande aussi faible, les vendeurs doivent en effet faire quelques concessions, y compris au niveau des tarifs. «Les statistiques officielles disent que les prix ont continué à évoluer vers le haut, cela fausse le marché parce qu'elles sont basées sur les prix dans les annonces». Or, concrètement, les transactions se font plutôt à un prix négocié à la baisse. «Certains vendeurs sont dans l'urgence, doivent vendre rapidement». Et l'image d'un marché où l'immobilier était invariablement de plus en plus cher, pèse sur les consciences de ces vendeurs. «Ils n'ont pas envie d'y croire, et essayent d'attendre», ajoute Julien Feld.

«Un correctif de 10 à 15% n'est plus rédhibitoire», illustre de son côté Yann Gadéa. «On a vu un bien affiché à 1,3 million d'euros se négocier à 1,15 million». Comme les acheteurs en mal de financement, certains vendeurs doivent donc aussi se faire une raison et revoir leurs ambitions à la baisse. «Les agents immobiliers essaient de les éduquer». Autre possibilité: contracter un emprunt maintenant, avec la possibilité de le renégocir dans deux ou trois ans.

Difficile toutefois de dire combien de temps la situation durera, tant les paramètres sont nombreux. Mais «tout peut à nouveau s'inverser si les taux se stabilisent», estime Julien Feld. «Les taux actuels sont normaux, ce sont ceux d'avant qui ne l'étaient pas». Rester en location le temps que les choses se tassent, même si un achat reste plus avantageux sur le long terme, peut être envisagé. «Un appartement avec un loyer autour de 1 800 euros coûterait 2 700 euros par mois», avec les taux actuels, calcule Yannis Erb. Pour Yann Gadéa, on peut tabler sur une baisse des taux, et donc des emprunts un peu moins coûteux, «vers 2024 ou 2025».

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