Avant le crash du vol LuxairQue se sont dit les pilotes dans le cockpit?
LUXEMBOURG - En 30 minutes, le Fokker-50 de Luxair s’est engagé dans une purée de pois à l’approche du Findel. La situation dans le cockpit s’est dégradée lentement, jusqu'au point de non-retour...

Ce 6 novembre 2002, l’avion, parti à 6h40 de Berlin, fait route vers le Findel. Le vol se passe bien, et à l’intérieur du cockpit, le commandant de bord et son copilote sont de bonne humeur mais espèrent atterrir rapidement. Sans doute veulent-ils se sortir des conditions météo exécrables. À 8h35, la radio de bord indique en effet une distance de visibilité de la piste de 250 mètres avec du brouillard. «Je dois rentrer à la maison pour faire caca», peut-on entendre sur l'enregistrement sonore. Les deux hommes s’inquiètent aussi du temps.
Ils écoutent le «trafic info» aérien: au Luxembourg, la visibilité est identique avec du vent, et ça ne devrait pas changer dans les minutes à venir. «Merde», dit le pilote. «Cela n’a rien de bon», confirme le copilote. Le commandant évoque alors un type d’approche compliqué. Dans l’idéal, il lui faudrait au moins 300 mètres. Il espère également ne pas avoir une dégradation alors qu’il est en approche, ce qui l’obligerait à remonter dans la «file d’attente» d’atterrissage.
À 8h46, le capitaine décide de «dire quelque chose aux gens», assis dans l’appareil. Les perturbations météo inquiètent les passagers. «Qu’est-ce que je raconte?» demande le copilote. «Le temps qu’il fait; brouillard épais, bla bla bla (…) C’est moi qui leur dira quelque chose si ça tourne mal». Il y aura peut-être un peu de retard à cause du brouillard, l’équipage en informe le sol. À la radio, on confirme: «Il y a un bon moment que la visibilité n’a plus été à 300» et il faudrait détourner le vol vers Sarrebruck où la visibilité est bien plus grande. «Oh non, je ne vais pas à Sarrebruck», s’indigne le pilote à son second. Quelques minutes plus tard, le radar de Luxembourg prend le relais. À 8h53, le copilote explique la situation aux passagers. Il fait 4° à l’extérieur, le brouillard est dense, l’avion attend une amélioration. Pendant ce temps, un avion Cargolux, annoncé une poignée de minutes plus tôt, prend son envol sur la piste du Findel. «C’est de la malchance», indique le pilote qui pense qu’il aurait eu le temps d’atterrir.
«Approche manquée»
«Il manque 25 mètres» de visibilité, explique le copilote à Paula, la steward. À 9h précises, le capitaine demande à nouveau la visibilité au Findel: 275 m en début de piste. Un message parvient à la radio. Les deux hommes se demandent alors si c’est une demande d’approche ou d’attente. «Une approche», dit le capitaine qui souhaite alors que le vol Cargolux leur laisse la place. Dans l’appareil, la lumière «attachez vos ceintures» s’allume. À 9h02, le commandant informe son copilote: si à proximité de la piste, ils n’ont pas les 300 mètres de visibilité, ils remettent les gaz pour remonter vers Diekirch.
La tour de contrôle reçoit une demande d’autorisation et informe que le brouillard est toujours aussi dense. Les quelques minutes qui suivent semblent se dérouler normalement. L’avion descend, les deux hommes plaisantent et vérifient les commandes. À 9h04, le pilote comprend qu’il est mal engagé. «Approche manquée», confirme-t-il. Le copilote coupe alors le «ground idle»: les moteurs se préparent à entrer en phase de décollage. Mais la tour indique alors que la visibilité repasse à 300 mètres et que la piste est libre.
Quelques secondes plus tard, les volets sont relevés et les lumières d’atterrissage s’allument. Le train d’atterrissage est sorti. L’avion repasse en position d’atterrissage mais un bruit se fait entendre dans les moteurs d’hélice. «Hä. Oh merde». La vitesse est en baisse, l’avion n’a plus assez de puissance. L’alarme qui indique la proximité avec le sol s’enclenche. «Oh merde». Tous les voyants s’allument à 9h05. L’avion ne peut se redresser. L’accident a tué 20 des 22 personnes à bord, dont le copilote.
Jonathan Vaucher/L'essentiel Online
Claude Poeckes ne se souvient de rien
Le pilote du Fokker-50, survivant du crash du 6 novembre 2002, a témoigné une nouvelle fois devant la IXe chambre correctionnelle à Luxembourg, mardi. Une audition qui intervient au lendemain de l’écoute des enregistrements des 30 dernières minutes du vol (lire ci-contre).
Lors de cette audition, Claude Poeckes affirme «ne pas avoir dit la vérité lors de ses dépositions». En effet, le pilote du vol Berlin-Luxembourg avoue «avoir remarqué avoir fait une faute» lors de ce vol contrairement à ses déclarations précédentes. Un aveu que le président de la Cour, Prosper Klein, s’est empressé de souligner en indiquant qu’il avait déjà «remarqué des incohérences au travers de différentes analyses du dossier.»
Dans son audition face à la Cour, l’ancien pilote Luxair affirme également que l’autorisation d’atterrir lui a été accordée par la tour de contrôle, et ce malgré la faible visibilité en phase d’approche. Un accord à l’origine de la brusque descente de l’appareil en direction de l’aéroport luxembourgeois. Claude Poeckes reconnaît que cette décision l’arrangeait car «aucun pilote n’a envie d’être dévié et de travailler plusieurs heures de plus». Ne se rappelant «de rien» sur les dernières manoeuvres, il s'est défendu contre toute mauvais intention en précisant avoir «suivi son instinct».
Jmh/L'essentiel Online avec ChM