AnalyseQuels scénarios en Algérie après Bouteflika?
Le président par intérim a 90 jours maximum pour organiser une élection présidentielle et remettre le pouvoir à celui qui sera élu. Ce qui risque d'être un peu court comme délai.

La rue algérienne n'entend pas relâcher la pression sur le pouvoir, après le départ du président Abdelaziz Bouteflika. Quels sont les scénarios possibles de la transition?
Ce que prévoit la Constitution
Après la démission d'Abdelaziz Bouteflika, c'est Abdelkader Bensalah, le président du Conseil de la Nation qui est théoriquement chargé d'assurer l'intérim. Le Conseil constitutionnel a constaté la «vacance» du pouvoir et a informé le Parlement. Les deux Chambres sont censées se réunir mais elles ne l'ont toujours pas fait.
Le président par intérim a 90 jours maximum pour organiser une élection présidentielle - à deux tours - et remettre le pouvoir à celui qui sera élu, puisqu'il lui sera interdit de se présenter lui même.
Au vu de la très courte échéance, il va devoir convoquer l'élection extrêmement rapidement, car la loi électorale prévoit un certain nombre de délais, pour certains incompressibles.
Pourquoi ce scénario n'est-il pas certain?
Outre le départ, désormais acquis, de M. Bouteflika, la rue réclame aussi celui de l'ensemble du «système» sur lequel s'est appuyé le président déchu. Hors de question que les hommes placés aux postes-clés par le président déchu gèrent l'après-Bouteflika. Sur les réseaux sociaux, les appels se multiplient à chasser désormais les «3B»: Bensalah, Belaiz, Bedoui.
Tayeb Belaiz préside le Conseil constitutionnel, institution chargée de veiller à la régularité du scrutin. Avant d'être nommé Premier ministre, le 11 mars, Noureddine Bedoui fut durant quatre ans ministre de l'Intérieur, et à ce titre chargé d'organiser des élections que l'opposition estime frauduleuses.
Purs produits du régime, les «3B» ont fidèlement servi M. Bouteflika depuis son arrivée au pouvoir.
Quels sont les autres scénarios possibles?
Pour l'heure les mécanismes institutionnels ont été mis en branle et le gouvernement commence à donner des gages - symboliques - d'ouverture démocratique à la presse, l'opposition et la société civile.
Une démission, avant la réunion du Parlement, d'Abdelkader Bensalah, «doublure» depuis 2013 en Algérie ou à l'étranger, de M. Bouteflika qui n'apparaissait plus que rarement en public en raison des séquelles d'un AVC, est évoqué, afin de nommer à sa place une personnalité plus «acceptable». Une démission du Conseil constitutionnel pourrait être également envisagée.
«Une des options pourrait être de nommer une figure indépendante, consensuelle, pour diriger une institution de transition», estime Isabelle Werenfels, chercheuse associée à l'Institut allemand pour les Affaires internationales et de Sécurité (SWP).
L'arbitre devrait être l'armée. Or, tout en assurant qu'elle «soutiendra le peuple jusqu'à ce que ses revendications soient entièrement et totalement satisfaites», elle a clairement fait savoir qu'elle n'acceptait qu'un «processus garantissant la gestion des affaires de l’État dans le cadre de la légitimité constitutionnelle»...
Que fera alors l'armée si les manifestations massives continuent?
«Les craintes sont énormes (...) d'un face à face entre la rue et l'institution militaire», estime Hasni Abidi, directeur du Centre d’Études arabes et méditerranéennes à Genève, qui note que «l'armée aujourd'hui n'a pas de contre-pouvoir» en Algérie.
«L'armée n'est pas habilitée, pas formée pour gérer une transition délicate, décidée à la hâte avec un départ non négocié du président de la République», souligne-t-il.
(L'essentiel/afp)