Transgenre«Qui se sent 100% homme ou 100% femme?»
LUXEMBOURG - Le congrès international qui se déroule à Luxembourg toute cette semaine veut faire naître l'idée qu'il existe une pluralité des sexes.

«Félicitations! C’est un petit garçon!»: à la maternité, certains couples découvrent avec émotion le sexe de leur enfant. Il s’appellera donc Tom et recevra un déguisement de Spiderman pour ses 4 ans. Si ça avait été une fille, elle se serait appelée Emma et aurait adoré Hello Kitty... Pourtant, «certains individus ne se reconnaissent pas dans l’identité sexuelle biologique, alors pourquoi ne pourrions-nous pas imaginer d’autres possibilités que seulement le masculin et le féminin?», s’interroge le Dr Christel Baltes-Löhr, déléguée aux questions de genre de l’Uni.
Toute cette semaine, elle organise un congrès scientifique international rassemblant universitaires, éducateurs, médecins, sages-femmes ou encore parents pour débattre de la question de la «normativité des sexes». Le but? «Considérer qu’il peut exister une pluralité des sexes et qu’elle soit respectée», note le Dr Christel Baltes-Löhr. «Et d’ailleurs qui se sent 100% homme ou 100% femme tout le temps?», s’interroge l’universitaire. Christel Baltes-Löhr estime que la reconnaissance et le respect des transgenres s’inscrivent dans la suite logique de l’évolution de la société: après la libération des femmes et leur combat pour l’égalité à la fin des années 60, après le combat des homosexuels pour avoir le droit d’aimer une personne du même sexe dans les années 90, les transgenres ont le droit aujourd’hui d’affirmer n’être ni complètement homme ni complètement femme.
Stopper les stéréotypes
Certaines sociétés le tolèrent déjà: en Thaïlande, les katoï ou les ladyboys, des jeunes hommes qui adoptent des comportements féminins, sont très bien acceptés. En Inde, la caste des hijras est très respectée: entre cinq et six millions de personnes ne sont classées ni homme ni femme et ont le droit de maintenir cette dualité jusque sur leur passeport depuis 2005. Il existe désormais trois cases: M, F et E (pour masculin, féminin et eunuque). Les ladyboys et les hijras ont décidé de n’appartenir à aucun des deux sexes mais il existe aussi, dans la nature, des individus qui sont les deux. C’est le cas des «guevedoces» («pénis à 12 ans» en argot espagnol) en République dominicaine: ces enfants, à la naissance, sont désignées comme filles et changent de sexe à la puberté pour devenir des garçons qui vivent ensuite une vie d’hommes.
Et au Luxembourg? «Le code civil luxembourgeois n'est pas si mal», explique Erik Schneider, porte-parole de Transgender Luxembourg. «L'acte de naissance énonce le jour, l'heure et le lieu de naissance, le sexe de l'enfant, le nom et les prénoms qui lui sont donnés....» (article 57) alors «pourquoi ne pas laisser un espace le temps que l'individu se définisse? Un médecin qui indique masculin ou féminin est un menteur parce qu'il ne sait pas quelle identité, quel genre l'enfant va développer», indique Erik Schneider, qui cite la législation argentine comme le top en matière de respect des genres. Une loi votée en mai 2012 permet en effet de changer d'état civil sans pour autant changer de sexe.
«Les choses avancent»
Au Grand-Duché, nous n'en sommes pas encore là mais «les choses avancent», note le porte-parole de Transgender. «Il existe une certaine conscience et un certain intérêt» qui permet de contrer la «transphobie» et améliore petit à petit les conditions d'existence des transgenres.
«Les gens ne se prononcent pas d’emblée contre les transgenres mais ils disent qu’ils connaissent quelqu’un qui connaît quelqu’un...», raconte le Dr Christel Baltes-Löhr. En bref, personne n'a rien contre les transgenres, pourvu que ça ne concerne pas ses proches. Un peu comme l’homosexualité, il y a quelques années. «Mais pour faire disparaître cette peur, il faut faire rentrer la pluralité des sexes dans notre quotidien». À commencer par l’éducation. «Les enfants sont initialement très très tolérants mais leurs parents leur transmettent des stéréotypes et dramatisent les écarts de conduite; il faut simplement stopper ces transmissions», conclut Christel Baltes-Löhr.
(MC/L'essentiel Online)
Entre deux et trois changements de sexe autorisés
Au Luxembourg, tous les ans, seulement 2 à 3 reçoivent l’autorisation de changer le sexe indiqué dans leur acte de naissance.
Plus de renseignement sur www.gender-spaces.uni.lu.