«Mes homologues européens envient la situation du Luxembourg»

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Rentrée scolaire«Mes homologues européens envient la situation du Luxembourg»

LUXEMBOURG – La rentrée scolaire pour 113 416 élèves est aussi celle du ministre de l'Éducation nationale, Claude Meisch. Pour «L'essentiel», il a balayé les sujets autour de l'avenir de nos écoles… et le sien.

Nicolas Chauty
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Nicolas Chauty

Editpress/Fabrizio Pizzolante

- L'essentiel: quelle est la priorité pour l'école luxembourgeoise en cette rentrée 2023-2024?

Claude Meisch: J’ai la volonté de développer dans la continuité. C'est le cas des offres internationales dans nos écoles.Le nouveau site du lycée privé Emile Metz, à Differdange, proposera des formations professionnelles anglophones et j'en suis très fier. Je vois aussi qu'il y a de nouvelles sections dans nos lycées et à mon avis la section P, sur les sciences humaines, va très bien se développer, c’est quelque chose qui manquait avant l’université.

Nous avons aussi réussi à complètement réformer la formation en langue française et nous arrivons à la dernière année de l'école fondamentale, une approche beaucoup plus axée sur la réalité des jeunes pour leur montrer que le français correspond aussi à leur vie quotidienne.

- Ces derniers mois ont été marqués par quelques cas de violences, dans le cadre scolaire. La question de la sécurité se pose-t-elle en cette rentrée?

Mon message aux directeurs d'établissements est très clair: même si de tels actes ne se produisent pas directement dans l'établissement, la communauté scolaire est concernée! On ne peut pas se dédouaner parce que la bagarre a lieu à la gare ou sur la place de je ne sais où. J’ai chargé tous les responsables de prévenir en cas d’agressivité grimpante, en surveillant aussi les réseaux sociaux. Et nous travaillons avec la police et les autorités judiciaires. Chacun a une responsabilité, même en partageant une vidéo de violence.

- Quelle est la situation concernant l'accueil d’enfants étrangers, notamment ukrainiens?

Nous avons entre 1 200 et 1 300 élèves ukrainiens scolarisés au Luxembourg, qui vont, pour la plupart, effectuer leur deuxième rentrée ici. Nous avons réussi à en orienter une grande majorité vers des formations régulières. Très souvent, ils étaient capables de s'intégrer après une année de classe d'accueil et de travail intensif en anglais et même dans une deuxième langue comme le français ou l'allemand. D’année en année, nous accueillons presque 4 000 jeunes qui ont commencé leur scolarité ailleurs, c'est pour ça que notre système a évolué afin d'être beaucoup plus ouvert.

- Dans votre bilan, vous évoquiez une amélioration de l'encadrement des élèves via une meilleure formation et des recrutements d'effectifs. Le budget de l’Éducation nationale a-t-il évolué comme vous le souhaitiez?

J'ai toujours été soutenu par mes collègues du gouvernement, tant au ministère des Finances qu’à celui de la Fonction publique. En effet, le nombre d'enseignants et d'encadrants a évolué beaucoup plus vite que le nombre d'élèves et ça a contribué à une meilleure prise en charge, notamment pour les enfants à besoins spécifiques. Bien sûr, tout cela a un coût. Ces derniers temps, il y a eu beaucoup de dépenses pour combler un peu les conséquences de la pandémie, de l'inflation ou de l'explosion des prix de l'énergie.

– Que répondez-vous si l'on vous dit que vous dirigez un ministère parmi les plus exposés?

Chacun a une opinion très concrète sur l'Éducation nationale et c’est normal Avec le système éducatif, nous créons la base pour la société de demain. C'était d’ailleurs ma décision d'intégrer à l’école tout l'aspect de l'éducation non formelle, les crèches, les structures d'accueil… pour créer vraiment un ministère très large. On s’adresse à toute la population. Après dix ans, je suis fier qu'il n'y ait pas eu de grèves, de grandes manifestations, de conflit social, même si des divergences de vue existent et qu’il y a eu des négociations pas toujours faciles.

- Les tensions sont plus fortes et régulières chez nos voisins, observez-vous ce qu'il s'y passe en matière d’Éducation nationale?

En matière d’éducation il n’y a pas de compétence européenne, donc chaque État membre de l'UE mène sa propre politique éducative. Mais il y a des échanges informels et je crois que mes homologues européens rêvent de notre situation. La longévité moyenne d'un ministre de l'Éducation au niveau européen, c’est deux ans, moi je suis là depuis dix ans. Ce qui est regrettable pour eux car dans notre domaine, nous avons besoin de stabilité pour voir des résultats.

- Dans le cadre des élections législatives à venir au Luxembourg, est-ce que le ministre en poste surveille ce qui est proposé par les candidats et partis?

Oui, bien sûr, premièrement parce que c'est mon intérêt personnel et ça le restera. En tant que ministre, je veux voir quelles alternatives sont proposées et si tout ce qu'on a mis en place pourra être développé. J’ai constaté, par exemple, une adhésion moins forte au niveau d'une éventuelle alphabétisation en français. J'espère surtout que c'est dû à la campagne, parce que l'un ou l'autre parti ne veut pas se brûler les doigts auprès de la population luxembourgeoise.

Un parti n'a pas soutenu l'idée de la gratuité des structures d'éducation non formelle, et là je regrette qu'il n'y ait pas de consensus autour de l'idée qu'il s'agit aussi d'un pilier de notre système éducatif. La crèche, la maison relais, l'école de musique doivent être gratuites, comme l'école. J'espère que tout ce qu'on a pu mettre en place sur ce point restera, peu importe avec quel gouvernement.

- Quel bilan faites-vous, sur un plan très personnel, de ces dernières années?

Je suis fier. Dans ce domaine où chacun peut avoir ses intérêts et son opinion, nous avons réussi à construire des ponts pour avancer. Pour aucun des projets il n’y avait un soutien universel mais nous avons pu les porter à la fin des discussions. Au-delà des souhaits de chacun, syndicats, parents, élèves, entreprises, nous avons diversifié l’offre scolaire pour la rapprocher de la population hétérogène du pays.

- Vous imaginez-vous diriger un jour un autre ministère?

J’ai été bourgmestre pendant douze ans, ministre pendant dix ans, j’ai toujours apprécié dans ma vie pouvoir faire autre chose après quelques années. Donc je n’exclus pas d’accepter un autre défi mais pour l’Éducation nationale, j’ai encore de la motivation et beaucoup d’idées. Je suis démocrate jusqu'à ma dernière cellule, attendons le verdict des électeurs.

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