Environnement – Un procédé inédit pour compter les phoques

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EnvironnementUn procédé inédit pour compter les phoques

Un professeur de l’EPFL à Israël et un Néerlandais ont mis au point une méthode bien plus rapide que l’homme pour mesurer la population de ces animaux menacés.

Les scientifiques comptent les phoques qu’ils distinguent sur les photos aériennes.

Les scientifiques comptent les phoques qu’ils distinguent sur les photos aériennes.

NIOZ

À quoi sert de compter les phoques? À savoir où se trouvent les plus grandes concentrations de ces animaux afin de mieux pouvoir les protéger, surtout dans les régions où, en raison du réchauffement climatique, les températures augmentent deux fois plus vite que la planète. La méthode la plus couramment utilisée par les scientifiques pour dénombrer une colonie de phoques est de se servir d’images aériennes. Puis, à l’œil nu, de les compter: un phoque, deux phoques, ah non, là c’est peut-être un rocher…

Une méthode fastidieuse, donc et source d’erreurs. Deux chercheurs ont donc décidé de faciliter le travail en créant une intelligence artificielle basée sur l’apprentissage profond (Deep Learning). Devis Tuia, professeur associé à l’EPFL Valais à Sion et Jeroen Hoekendijk, doctorant de l’Université de Wageningen (WUR), employé par l’Institut royal néerlandais de recherche sur la mer (NIOZ), viennent de publier leurs résultats dans «Scientific Reports».

«En écologie, les modèles de Deep Learning les plus couramment utilisés sont d’abord entraînés à détecter des objets individuels, puis les objets détectés sont comptés. Ce type de modèles nécessite de nombreuses annotations d’objets individuels pendant l’apprentissage», explique Jeroen Hoekendijk. Les deux scientifiques ont conçu une méthode qui saute l’étape de la détection individuelle pour passer directement au décompte total des animaux présents sur la photo.

Un test sur les carrelets

Pour tester leur procédé, les deux scientifiques l’ont mis à l’épreuve à l’échelle microscopique sur les otolithes du carrelet. Il s’agit de petits cristaux de carbonate de calcium situés derrière le cerveau du poisson. Chaque cristal a des anneaux concentriques et c’est en les comptant qu’on peut, comme sur une souche d’arbre, évaluer l’âge moyen d’une population de carrelets. Là aussi, les compter au microscope est très fastidieux. L’intelligence artificielle est arrivée au même résultat, marge d’erreur incluse, qu’un humain, mais en traitant 100 images en moins d’une minute, ce qu’un scientifique met 3 heures à faire.

La même fiabilité a été constatée avec les photos de phoques, bien que l’angle de prise de vue et la distance au sol modifient l’apparence des phoques. L’ordinateur est là aussi parvenu à la même marge d’erreur, mais en traitant 100 photos en moins d’une minute au lieu d’une heure. Qui plus est, cette méthode peut être utilisée pour compter n’importe quel élément ou animal individuel, et donc, potentiellement, aider à traiter non seulement les nouvelles photos, mais aussi celles qui n’ont pu être analysées par manque de temps. Cela représente des décennies d’images d’inventaires qui pourraient fournir des informations importantes sur l’évolution de la taille des populations au fil du temps. Cette nouvelle méthode permet également d’économiser des ressources qui pourront être utilisées pour protéger les espèces menacées.

Le pas suivant consistera à traiter des images satellites de régions inaccessibles de l’Arctique, où vivent plusieurs populations de phoques inscrites. «Nous prévoyons d’utiliser cette approche pour étudier les espèces menacées dans cette région reculée du monde, où les températures augmentent deux fois plus vite qu’ailleurs sur la planète», explique Devis Tuia, directeur du Laboratoire de science computationnelle pour l’environnement et l’observation de la Terre à la Faculté de l’environnement naturel architectural et construit de l’EPFL. «Il est essentiel de savoir où se concentrent les animaux pour protéger ces espèces souvent menacées».

(L'essentiel/Michel Pralong/comm/)

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