Aux États-UnisUn trésor devenu nazi devant la Cour suprême
Une collection d’art appartenant à l’origine à des Juifs allemands, le Trésor des Guelfes, a été acquise par les nazis. Un descendant du propriétaire juif réclame réparation.

L’objet du conflit porte sur des œuvres religieuses, aujourd’hui exposées dans un musée berlinois.
La Cour suprême des États-Unis naviguera lundi entre le Moyen Âge et les années 1930 lors d’une audience consacrée au Trésor des Guelfes, une collection d’art acquise par le régime nazi auprès de marchands d’art juifs. Croix en or finement ciselée, pièces d’orfèvrerie, somptueux reliquaires... L’objet du conflit porte sur des œuvres religieuses créées entre le XIe et XIVe siècle, aujourd’hui exposées dans un musée berlinois.
«Ce dossier est une affaire de restitution, de réparations pour une vente forcée avec de grandes implications financières, mais c’est d’abord une affaire de justice», dit à l’AFP Jed Leiber, un musicien californien qui poursuit l’Allemagne en mémoire de son grand-père.
Ce dernier, Saemy Rosenberg (à droite sur la photo) était marchand d’art à Francfort dans les années 1920. Avec d’autres confrères juifs, il avait acheté peu avant le krach boursier de 1929, l’intégralité de son Trésor au duc de Brunswick, descendant de la Maison des Guelfes.
Sur un marché sinistré, ils avaient réussi à revendre la moitié des pièces à des collectionneurs américains en 1932, et avaient mis la quarantaine restante à l’abri dans des coffres-forts aux Pays-Bas. En 1935, deux ans après l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler, ils l’avaient cédée à bas prix à l’État prussien - alors dirigé par Hermann Göring, le fondateur de la Gestapo.
Trésor de plus de 200 millions d’euros
Pour Jeb Leiber, «c’était simplement impossible en 1935 pour un commerçant juif, et encore moins pour ceux en possession d’un trésor national allemand, d’obtenir un accord honnête avec celui qui a peut-être été le plus grand voleur d’art de toute l’Histoire». Mais l’Allemagne ne voit pas les choses ainsi. «Ce n’était pas une vente forcée», estime la Fondation pour l’héritage culturel prussien, une institution publique qui gère de nombreux musées dont celui où est exposé le Trésor des Guelfes («Welfenschatz» en allemand).
Berlin se fonde sur l’avis d’une commission consultative saisie après réception d’une demande de restitution en 2014. Cette instance avait estimé que le prix de la vente reflétait la situation du marché de l’art et qu’il n’existait pas de preuves de «pressions» exercées par les nazis. Suite à cet avis, plusieurs descendants des marchands juifs se sont tournés vers la justice américaine pour récupérer le Trésor, dont ils estiment la valeur à 250 millions de dollars minimum.
Ils se sont appuyés sur une loi américaine de 1976 qui interdit les poursuites au civil contre un gouvernement étranger sauf en cas de «violations des droits à la propriété tels que définis par le droit international». Berlin a immédiatement introduit des recours pour stopper la procédure, arguant que cette loi ne s’appliquait pas à ce dossier. Après des revers en première instance et en appel, elle s’est tournée vers la Cour suprême des États-Unis.
(L'essentiel/afp)