Bande dessinée: Un voyage philosophique et musical dans l'ancien Japon

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Bande dessinéeUn voyage philosophique et musical dans l'ancien Japon

«Shamisen», de Guileherme Petreca et Tiago Minamisawa, s'inspire de la vie d'une musicienne aveugle qui a sillonné le Japon pour jouer du shamisen.

Jérôme Wiss
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Jérôme Wiss

Une nuit d'hiver dans le Japon du début du siècle dernier. Une femme avance péniblement dans la neige, son bébé sur le dos. Luttant contre le froid et le vent glacial, elle avance jusqu'à une maison isolée. Là, elle abandonne cet enfant qu'elle ne pourra pas élever. Recueillie par un musicien qui la baptise «Haru», comme le printemps en japonais, l'enfant aveugle grandira en suivant les traces de son père adoptif, devenant, comme lui musicienne.

Elle jouera du shamisen, un instrument à cordes du Japon traditionnel, sorte de luth nippon, que les geishas savent rendre envoûtant et qui est aussi joué par des femmes aveugles qui sillonnent le Japon depuis le Moyen-Âge, qu'on appelle les «goze». Haru parcourera donc le Japon, son shamisen à la main, pour distraire les foules qu'elle ne peut voir.

Au fil de ses périgrinations, elle rencontrera des divinités du panthéon japonais, à commencer par le Kappa, créature étrange qui lui donne «la clé de la dimension divine». Cela lui permettra de philosopher avec Benzaiten, déesse du bonheur, Shinigami, déesse de la mort, alors qu'elle joue au chevet d'un mourant, pour apaiser son âme avant un dernier voyage finalement reporté. À Tsukuyomi, dieu de la Lune, elle dit qu'elle «entend la poésie des petites choses que les yeux ignorent parfois».

Bijou graphique

Car Shamisen, en plus de s'inspirer de la vie de Haru Kobayashi, la dernière goze, morte en 2005 à 105 ans, trace une route poétique et philosophique pour suivre le chemin de la musicienne. Celle-ci perdra son pouvoir de communiquer avec les divinités après une rencontre fâcheuse avec Yuki-onna, sorcière des neiges. Mais elle conserve sa foi en la musique. «Je jouerais même si mes doigts doivent saigner ou ma voix en venir à s'éteindre», lance-t-elle en faisant vibrer son instrument. Elle finira par retrouver son sens supplémentaire et entendra Raijin, dieu du tonnerre, pour une explosion de couleurs et de divintés.

On retrouve ensuite Haru à l'automne de sa vie, à 105 ans, quand elle retrouve Shinigami, déesse de la mort venue la chercher enfin. Dernier moment de philosophie avant le grand voyage. «Avec le temps qui passe, j'ai compris que le bonheur n'existait pas vraiment. Il n'y a que des instants d'allégresse, passagers», dit Haru, comme en conclusion de sa longue vie. Véritable bijou esthétique et coloré, véritable plongée dans un Japon disparu, «Shamisen», des Brésiliens Guilherme Petreca et Tiago Minamisawa, est aussi considérablement enrichi de toute une série de bonus, allant du récit de la vie de la vraie Haru Kobayashi aux textes, en japonais et traduits en français, des chants des goze et autres éléments culturels passionants.

«Shamisen», roman graphique de Guilherme Petreca et Tiago Minamisawa, aux éditions Ankama BD. 21,90 euros.

Un reportage sur la vrai Haru Kobayashi, à la télévision japonaise:

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