Document historiqueUne photo de l'unique mariage d'Auschwitz
Un cliché jauni représentant le détenu autrichien Rudolf Friemel et son épouse espagnole Margarita Ferrer Rey a été cédé par leur petit-fils avec d'autres documents exceptionnels à la ville de Vienne.

Rudolf Friemel et Margarita Ferrer Rey se sont mariés le 18 mars 1944.
Ils se sont faits beaux pour la photo, mais le sourire n'est pas aux lèvres des jeunes mariés. Et pour cause: leur union fut la seule célébrée dans l'enceinte même du camp d'extermination d'Auschwitz. Le cliché exposé jusqu'au 30 septembre dans la bibliothèque de la ville de Vienne remémore une parenthèse dans les ténèbres: le mariage autorisé par les nazis de ces deux amoureux, enregistré le 18 mars 1944 à 11 heures par le service d'État civil du camp.
«Comment en est-on arrivé à cet événement singulier?», se demande le maire social-démocrate de Vienne Michael Ludwig, en préambule du catalogue de l'exposition. «Affecté à la maintenance des véhicules de la SS, Rudolf Friemel avait des conditions de détention meilleures que d'autres prisonniers», explique l'élu. «Mais le privilège unique de pouvoir se marier reste inexpliqué à ce jour».
Une nuit de noces puis retour à l'horreur
L'annonce de la cérémonie fut une rare respiration pour beaucoup de prisonniers, qui firent parvenir des cartes touchantes de félicitations aux tourtereaux, désormais montrées au public. Margarita Ferrer Rey, qui résidait en Autriche avec le fils du couple âgé de bientôt trois ans, le père du détenu et son frère furent prévenus par télégramme et autorisés à faire le voyage. Rudolf Friemel, résistant envoyé à Auschwitz en 1942, eut le droit de se laisser pousser les cheveux et de porter un costume civil pour l'occasion. Une cellule fut mise à la disposition du couple pour sa nuit de noces dans le bordel du camp.


Mais le répit fut de très courte durée: pour avoir aidé à l'organisation d'une tentative d'évasion, Rudolf Friemel fut pendu en décembre, laissant à sa femme et à l'enfant, partis vivre en France après la guerre, des lettres et poèmes déchirants. Ces documents d'une grande valeur historique ont été récupérés en 2017 auprès d'un petit-fils, Rodolphe Friemel, 48 ans, qui porte le prénom de son grand-père et a accepté de les céder pour en garantir la préservation.
«Sur le plan administratif, ce mariage est important parce que sans lui nous n'aurions pas toutes ces archives», explique-t-il à l'AFP par téléphone depuis le sud de la France où il réside. Mais «ce que je trouve le plus intéressant», poursuit-il, «c'est que l'on voit à travers lui qu'il y avait de l'amour au milieu de l'horreur». «Peut-être mes grands-parents ont-ils fait tout cela dans l'unique but de se revoir», se demande-t-il, des décennies après le décès de Margarita en 1987.