Liaison dangereuse à Belval: Spacety dément avoir aidé Wagner

L'information a fait l'effet d'une bombe vendredi matin: la filiale luxembourgeoise d'un institut de recherche spatiale chinois est accusée par le Trésor américain d'avoir participé à la fourniture d'images satellites au groupe Wagner en Ukraine. Soupçonnée d'exactions sur plusieurs terrains de guerre à travers le monde (Mali, Syrie, Centrafrique), la milice dirigée par l'oligarque Evgueni Prigojine sort de l'ombre, en même temps que les actions commises par ses mercenaires effraient.

Spacety Luxembourg apparaît au premier abord parfaitement fréquentable. Arrivée au Luxembourg en 2019, la petite société qui compte cinq employés est basée au Technoport à Belval, où ses équipes n'ont jamais fait de vague. «Ce sont des collègues qu'on croise parfois dans des réunions, mais nous n'avons jamais vu d'armes de guerre», ironise le collaborateur d'une société qui partage le bâtiment avec Spacety. Au contraire, l'entreprise s'est plutôt distinguée pour ses exploits technologiques s'étant targuée avec fierté «de faire l'histoire spatiale», suite au lancement d'une nouvelle technologie de propulsion de satellites en 2020.

À l'évidence, l'aspect sulfureux de cette filiale présidée par William Zhang n'est pas à chercher du côté de ses équipes, mais plutôt de sa gouvernance chinoise. «Ces images ont été rassemblées pour faciliter les opérations guerrières du groupe Wagner en Ukraine. Spacety Luxembourg aurait agi directement ou indirectement pour Spacety China (…) Les États-Unis sont intransigeants face à l'agression russe et les déstabilisations commises à travers le monde. Ces sanctions vont entraver les capacités du Kremlin à agresser l'Ukraine», appuie l'ambassade des États-Unis au Luxembourg, sollicitée par L'essentiel, confirmant par ailleurs que des sanctions ont été prises contre la filiale eschoise.

Selon nos informations, un travail en amont a été effectué sur ce dossier entre les États-Unis et le Luxembourg afin de coordonner «dans la mesure du possible» les actions de rétorsion. Des échanges confirmés en substance par le gouvernement luxembourgeois. Dans un communiqué transmis vendredi, les ministères concernés ont indiqué «prendre au sérieux» ces allégations et travailler sur de potentielles mesures contre Spacety Luxembourg S.A.

L'affaire pose plusieurs questions d'ordre politique. Le Luxembourg et la Chine partagent depuis plusieurs années des liens étroits sur le plan économique avec des concessions accordées dans des domaines stratégiques. Cela interroge sur les risques d'espionnage d'une part, mais également sur des soutiens masqués à des régimes devenus infréquentables comme celui de Poutine.

Contactée, l'ambassade de Russie assurait «ne pas avoir connaissance» de l'existence de l'entreprise spatiale. «L’ambassade de Russie au Luxembourg ne représente pas les intérêts d'organisations privées, y compris ceux du "groupe Wagner" et de Spacety Luxembourg», a-t-elle ajouté.